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Dimanche de Pâques 2025

Dimanche de Pâques 2025

Tout au long de ce Carême 2025 et jusqu’à Pâques, retrouvez les méditations proposées par notre frère Sébastien.

Mes morts et Ta Vie promise

Je voyais le Seigneur devant moi sans relâche :
il est à ma droite, je suis inébranlable.
C’est pourquoi mon cœur est en fête,
et ma langue exulte de joie ;
ma chair elle-même reposera dans l’espérance :
tu ne peux m’abandonner au séjour des morts
ni laisser ton fidèle voir la corruption.
Tu m’as appris des chemins de vie,
tu me rempliras d’allégresse par ta présence.

Psaume 15, 8-11

Tombes et tombeaux sont les fractures de nos vies, les blessures, les abîmes de la mémoire de la mort de celles et ceux que nous avons aimés.

Eux, ils savent désormais, me suis-je souvent dit tout bas. Et puis je les ai traversées, tout silencieux, ces allées fleuries de petit cimetière à l’abri de l’église qui a vu le baptême de ma mère, et son mariage aussi. Mes grands-mères adorées y reposent à l’abri du lilas. Il y est même inscrit le nom de mes parents sur une pierre tombale, alors qu’ils sont encore de ce monde : étrange projection, miroir de la douleur à venir, et dangereux présage au futur antérieur que cette gravure à l’avance.

Et puis toutes ces photographies de gens de mon village, humbles dans les tombes à terre, visages familiers de mon enfance au travers des ruelles et des conversations de marché, entre le petit port et la place, en bord de Dordogne.

Au-dessus du cimetière, un château ancien, et en contrebas de sa grille, la tombe d’une toute jeune fille aux côtés de son père : celle de Cathy, tombée amoureuse autrefois de la fille des châtelains. Elle allait la nuit tombée rejoindre son hymen paraît-il, secrètement, à travers les passages souterrains de la noble demeure. Quand, à 17 ans, dans un village de Gironde, il faut faire face dans le même instant à l’amour et à la honte, il n’y a que l’ivresse de l’instant qui compte. Car Cathy et Jeanne n’avaient alors pas d’avenir, au milieu de ces années 80. L’histoire ne dit pas ce que Jeanne est devenue après son départ précipité de chez ses parents quand la découverte fut faite. Mais Cathy s’est retournée l’arme contre elle. La jeune fille à la mobylette ne fut plus en ce matin de brouillard. Son père est mort de douleur peu de temps après avec la conviction de ne jamais avoir pu la secourir à temps, à hauteur, de ne pas l’avoir assez aimée pour la sauver.

C’est en ce jour de Pâques que je fais mémoire d’elles et d’eux qui m’accompagnent. Car aujourd’hui le roc s’est enfin ouvert dans l’aube clair.

Tu les as traversés tous nos Enfers, dans cette nuit de l’humanité, Seigneur. Tout en Bas, avant l’En-Haut. Mais le tombeau, ce lieu de doute, me décime encore pourtant chaque jour. Et je demeure bredouille face au mystère de la Bonne Nouvelle. Je ne sais pas encore si je saurai faire face à la mort avec dignité, elle qui me sépare, elle qui m’emporte, elle qui me laisse, elle qui me blesse tant de fois vivant.

Ainsi, je m’adresse aussi à toi la mort, sans majuscule, que je ne connais encore que de loin, toi la mort que je hais, celle de mes tragédies. Je te regarderai un jour en face, mais je lève au moins déjà mes yeux vers ton ombre ce jour. Je te défie, et j’ose te dire que tu ne m’auras pas. Tu m’as pourtant maintes fois tenté, mais regarde-toi : tu n’es que réduction, tu n’es que passage, toi qui te veux fin, tu n’es que étroitesse vers l’éternité essentielle de la Vie qui toujours te vainc.

Nous portons en creux la Gloire à naître, à tout moment, dans la noirceur du tombeau refermé, lieu de doute qui s’illuminera vers la certitude d’un lendemain.

Alors joie de la Résurrection du Seigneur mes sœurs et frères devant la pierre roulée ! Immense notre Espérance désormais puisque nos souffrances lancinantes n’auront plus jamais le dernier mot, malgré nos morts.

Alléluia ! Christ est ressuscité ! C’est lui notre ultime bonheur.

Sébastien,
frère de la Communion Béthanie

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