Une méditation proposée par notre sœur Valérie.
Que me font la mort ou la vie ?
Jésus, ma joie, c’est de t’aimer !
Ste Thérèse de Lisieux, PN 45
Comme elle y va la petite Thérèse, vous ne trouvez pas ?
Si seulement elle avait écrit « Que me font MA mort ou MA vie ? », accueillir ces mots m’aurait semblé plus simple, plus naturel.
Car enfin, chacun sait que sa propre vie va finir, que la mort, qu’elle soit proche ou lointaine, est quoi qu’il en soit inéluctable. On peut bien s’y résigner pour soi-même.
Mais voilà, elle a écrit « Que me font la mort ou la vie ? »
Nous voilà tous et toutes interpellé·es.
Comment accueillir ces mots ?
Je songe à ces moments dans la vie où les mauvaises nouvelles tombent sans répit : décès en cascades, annonces de maladies graves. Où que l’on pose le regard, le ciel semble chargé de sombres nuages et l’horizon bouché. Qui n’a pas connu de telles périodes ?
Que dire alors, quand la peine, quand la peur, nous cernent inéluctablement ?
Que me font la mort ou la vie ?
Jésus, ma joie, c’est de t’aimer !
Le diriez-vous ? En auriez-vous le cœur ?
Ce qu’il a fallu de foi, de confiance et d’abandon, pour écrire ces mots, pour les vivre.
Ce qu’il faut de foi, de confiance et d’abandon, pour les accueillir dans sa vie, aujourd’hui.
Que me font la mort ou la vie ?
Jésus, ma joie, c’est de t’aimer !
À dire et redire ces mots, je les sens infuser en mon âme. C’est peut-être la façon la plus simple de les accueillir : les laisser faire et agir en soi.
D’autres mots me viennent alors, que je partage : Joie, Paix, Sérénité. Un sourire sur mes lèvres se dessine.
Un écho me répond : Émerveillement, Espoir, Équilibre.
Ajoutez donc vos propres mots. Qui sait si demain, par ciel clair comme par ciel gris, nous n’en viendrons pas tous et toutes à chanter: « Jésus, notre joie, c’est de te chercher ? »
Ne serait-ce pas doux de vivre ainsi les quelques jours qui nous séparent encore de la Pentecôte ?
Valérie,
sœur de la Communion Béthanie
Une méditation proposée par notre frère Pierre.
Ce 17 mai, nous célébrons la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie. Des vents mauvais soufflent en tout sens et font du mal à tous les enfants de lumière qui veulent vivre authentiquement et en vérité. La violence des prises de position et les menaces qu’elles induisent ne doivent pas nous effrayer au point de perdre toute espérance, alors que cette année jubilaire lui est consacrée.
Le décès du pape François qui a ouvert bien des portes, dans une actualité souvent dramatique (génocide à Gaza, guerres en Ukraine, au Congo, en Ethiopie, guerres civiles en Birmanie, au Soudan, montée des régimes autoritaires qui oppriment leur population), sans oublier les deuils auxquels chacun de nous sommes confrontés. La liste des raisons de perdre espoir est longue. Pourtant, à l’exemple d’Etty Hillesum, nous pouvons faire nôtre sa prière préférée, Mon Dieu, je vais t’aider à ne pas t’éteindre en moi, inscrite dans la tradition juive.
Pour cela, nous pouvons nous inspirer des conseils de l’apôtre Paul adressés aux Colossiens (3, 12-17).
Puisque vous avez été choisis par Dieu, que vous êtes sanctifiés, aimés par lui, revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience.
Supportez-vous les uns les autres, et pardonnez-vous mutuellement si vous avez des reproches à vous faire. Le Seigneur vous a pardonnés : faites de même.
Par-dessus tout cela, ayez l’amour, qui est le lien le plus parfait.
Et que, dans vos cœurs, règne la paix du Christ à laquelle vous avez été appelés, vous qui formez un seul corps. Vivez dans l’action de grâce.
Que la parole du Christ habite en vous dans toute sa richesse ; instruisez-vous et reprenez-vous les uns les autres en toute sagesse ; par des psaumes, des hymnes et des chants inspirés, chantez à Dieu, dans vos cœurs, votre reconnaissance.
Et tout ce que vous dites, tout ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, en offrant par lui votre action de grâce à Dieu le Père.
Etty Hillesum
En ce 17 mai 2025, comment faire communion ?
On ne peut pas installer une vraie relation si on s’efface trop. C’est le lien qu’on met en place qui est consolant et confortant, le fait d’être relié et de faire partie d’une communauté, d’une communion, qui ne peut pas exister si « je » s’efface devant « tu ». Ce qui est consolant, c’est de tisser une relation, et de la sentir, de la nourrir chacun. En dépit de la différence des situations, nous pouvons nous rejoindre dans la similitude de nos conditions, au cœur de la condition humaine la plus dépouillée, la plus désarmée. Surtout dans les épreuves.
Tanguy Châtel
Pierre,
frère de la Communion Béthanie
Une méditation sélectionnée par notre frère Sylvain.
Ce lundi 12 mai, nos amis bouddhistes célèbrent la fête de Vesak qui commémore la naissance, l’illumination et le Nirvana du Bouddha.
Sur le chemin lumineux du Temps Pascal, je vous propose une méditation toute aux parfums d’évangile du Vénérable Maître zen Thich Nhat Hanh (1926-2022), extraite de Instant présent, Instant précieux, pages 38-39.
Allumer une bougie
Avec un profond respect
Pour les Bouddhas innombrables,
Dans le calme j’allume cette bougie
Et j’éclaire la face de la terre.
Dans de nombreux pays d’Asie, nous faisons des offrandes aux statues placées dans les sanctuaires sur l’autel.
En général, nous apportons une bougie, des fleurs, une coupe de fruits et un bâtonnet d’encens.
Lorsque nous allumons la bougie en toute conscience, les voiles de l’ignorance et de l’oubli disparaissent tout naturellement, et la Terre elle-même devient lumière.
Il existe une histoire dans la vie du Bouddha qui nous dit l’importance que peut avoir une offrande de lumière.
Un jour, les habitants de la ville de Sravasti honorèrent le Bouddha en allumant des milliers de lampes autour d’un monastère.
Une vieille mendiante voulut faire une offrande, mais après avoir mendié toute une journée, elle n’avait qu’un centime.
Alors elle acheta de l’huile avec cette petite somme et la versa dans l’une des lampes.
Le lendemain matin, le Vénérable Maha Maudgalyayana sortit pour éteindre les lampes. Elles s’éteignirent toutes sauf celle qui contenait l’huile qu’avait versée la mendiante.
Quand Maha Maudgalyayana essaya de l’éteindre en soufflant dessus, la lumière n’en devint que plus vive.
L’offrande d’une bougie en pleine conscience est pareille à la lumière offerte par la vieille mendiante il y a bien des années.
Nous pouvons réciter ce gatha (poème ci-dessus) quand nous allumons une bougie quel que soit le lieu, par exemple pendant une manifestation silencieuse pour les Droits de l’Homme. On peut même l’utiliser quand on allume l’électricité…
Un jour, Jésus a proclamé la foi lumineuse d’une pauvre femme discrète et cachée dans son offrande au Temple (Marc 12, 41-44).
Sous son regard, moi aussi, j’allume une bougie en toute confiance – ne serait-ce que dans mon cœur – et je proclame : Lumière du Christ, Lumière pour le monde, Clarté de Dieu …
Sylvain,
frère de la Communion Béthanie
Une méditation proposée par notre sœur Valérie.
J’ai la FOI.
Tu as la FOI.
Nous avons quoi ?
Avoir et être, verbes auxiliaires.
Avoir la foi, avoir faim, avoir soif.
Avoir une auto, une maison, un boulot.
Avoir peur, avoir froid.
Avoir la foi quand même, dans ce monde où tout se mélange, les êtres, les avoirs.
J’ai la FOI…et quoi ?
Cela me rend-il plus forte ?
Cela me rend-il meilleure ?
Cela me rend-il plus vaillante, invulnérable, imperturbable, insubmersible dans la tempête ?
C’est à voir…
J’ai la FOI, est-ce que ça se voit ?
J’ai la FOI et j’ai quoi ?
Je possède quoi ?
Et toi mon frère,
Et toi ma sœur,
Réponds-tu comme moi : « Oui, j’ai la FOI », quand on te pose la question ?
Est-ce que ça sonne toujours juste pour toi ?
J’ai, tu as, nous avons la FOI…
Mais qu’est-ce qu’avoir quand il s’agit de la FOI, une foi sans cesse perdue, à retrouver, à réinventer, à renouveler ?
De la FOI, de l’Espérance qui nous habite, nul n’en verrait jamais la trace si nous n’étions pas des êtres avant tout.
Avoir n’est rien.
Être, c’est tout.
À la suite de celui qui nous dit : Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie, Jn 14,6
À l’écoute de celui qui a dit : JE SUIS, Ex 3, 14.
Et à qui il suffit de répondre : Me voici !
Être et avoir, verbes auxiliaires.
Valérie,
sœur de la Communion Béthanie
Tout au long de ce Carême 2025 et jusqu’à Pâques, retrouvez les méditations proposées par notre frère Sébastien.
Je voyais le Seigneur devant moi sans relâche :
il est à ma droite, je suis inébranlable.
C’est pourquoi mon cœur est en fête,
et ma langue exulte de joie ;
ma chair elle-même reposera dans l’espérance :
tu ne peux m’abandonner au séjour des morts
ni laisser ton fidèle voir la corruption.
Tu m’as appris des chemins de vie,
tu me rempliras d’allégresse par ta présence.
Psaume 15, 8-11
Tombes et tombeaux sont les fractures de nos vies, les blessures, les abîmes de la mémoire de la mort de celles et ceux que nous avons aimés.
Eux, ils savent désormais, me suis-je souvent dit tout bas. Et puis je les ai traversées, tout silencieux, ces allées fleuries de petit cimetière à l’abri de l’église qui a vu le baptême de ma mère, et son mariage aussi. Mes grands-mères adorées y reposent à l’abri du lilas. Il y est même inscrit le nom de mes parents sur une pierre tombale, alors qu’ils sont encore de ce monde : étrange projection, miroir de la douleur à venir, et dangereux présage au futur antérieur que cette gravure à l’avance.
Et puis toutes ces photographies de gens de mon village, humbles dans les tombes à terre, visages familiers de mon enfance au travers des ruelles et des conversations de marché, entre le petit port et la place, en bord de Dordogne.
Au-dessus du cimetière, un château ancien, et en contrebas de sa grille, la tombe d’une toute jeune fille aux côtés de son père : celle de Cathy, tombée amoureuse autrefois de la fille des châtelains. Elle allait la nuit tombée rejoindre son hymen paraît-il, secrètement, à travers les passages souterrains de la noble demeure. Quand, à 17 ans, dans un village de Gironde, il faut faire face dans le même instant à l’amour et à la honte, il n’y a que l’ivresse de l’instant qui compte. Car Cathy et Jeanne n’avaient alors pas d’avenir, au milieu de ces années 80. L’histoire ne dit pas ce que Jeanne est devenue après son départ précipité de chez ses parents quand la découverte fut faite. Mais Cathy s’est retournée l’arme contre elle. La jeune fille à la mobylette ne fut plus en ce matin de brouillard. Son père est mort de douleur peu de temps après avec la conviction de ne jamais avoir pu la secourir à temps, à hauteur, de ne pas l’avoir assez aimée pour la sauver.
C’est en ce jour de Pâques que je fais mémoire d’elles et d’eux qui m’accompagnent. Car aujourd’hui le roc s’est enfin ouvert dans l’aube clair.
Tu les as traversés tous nos Enfers, dans cette nuit de l’humanité, Seigneur. Tout en Bas, avant l’En-Haut. Mais le tombeau, ce lieu de doute, me décime encore pourtant chaque jour. Et je demeure bredouille face au mystère de la Bonne Nouvelle. Je ne sais pas encore si je saurai faire face à la mort avec dignité, elle qui me sépare, elle qui m’emporte, elle qui me laisse, elle qui me blesse tant de fois vivant.
Ainsi, je m’adresse aussi à toi la mort, sans majuscule, que je ne connais encore que de loin, toi la mort que je hais, celle de mes tragédies. Je te regarderai un jour en face, mais je lève au moins déjà mes yeux vers ton ombre ce jour. Je te défie, et j’ose te dire que tu ne m’auras pas. Tu m’as pourtant maintes fois tenté, mais regarde-toi : tu n’es que réduction, tu n’es que passage, toi qui te veux fin, tu n’es que étroitesse vers l’éternité essentielle de la Vie qui toujours te vainc.
Nous portons en creux la Gloire à naître, à tout moment, dans la noirceur du tombeau refermé, lieu de doute qui s’illuminera vers la certitude d’un lendemain.
Alors joie de la Résurrection du Seigneur mes sœurs et frères devant la pierre roulée ! Immense notre Espérance désormais puisque nos souffrances lancinantes n’auront plus jamais le dernier mot, malgré nos morts.
Alléluia ! Christ est ressuscité ! C’est lui notre ultime bonheur.
Sébastien,
frère de la Communion Béthanie
Tout au long de ce Carême 2025 et jusqu’à Pâques, retrouvez les méditations proposées par notre frère Sébastien.
Lorsqu’ils approchèrent de Jérusalem, et qu’ils furent arrivés à Bethphagé, vers la montagne des Oliviers, Jésus envoya deux disciples, en leur disant : Allez au village qui est devant vous ; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée, et un ânon avec elle ; détachez-les, et amenez-les-moi.
Si, quelqu’un vous dit quelque chose, vous répondrez : Le Seigneur en a besoin. Et à l’instant il les laissera aller.
Or, ceci arriva afin que s’accomplît ce qui avait été annoncé par le prophète :
Dites à la fille de Sion : Voici, ton roi vient à toi, Plein de douceur, et monté sur un âne, Sur un ânon, le petit d’une ânesse.
Les disciples allèrent, et firent ce que Jésus leur avait ordonné.
Ils amenèrent l’ânesse et l’ânon, mirent sur eux leurs vêtements, et le firent asseoir dessus.
La plupart des gens de la foule étendirent leurs vêtements sur le chemin; d’autres coupèrent des branches d’arbres, et en jonchèrent la route.
Ceux qui précédaient et ceux qui suivaient Jésus criaient : Hosanna au Fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna dans les lieux très hauts !
Lorsqu’il entra dans Jérusalem, toute la ville fut émue, et l’on disait : Qui est celui-ci ?
La foule répondait : C’est Jésus, le prophète, de Nazareth en Galilée.
Mathieu 21, 1-11
L’âne est l’humble qui soutient le Christ pour l’ultime rentrée dans la ville.
La tête basse, il se sait en marche vers le Haut.
Depuis l’enclos, toujours inutile, il s’était balancé au-dessus du vide de sa vie.
Il se sentait peureux. Le danger le guettait.
Si faible depuis que sa mère l’avait à ce point dressé contre le plaisir des chevaux.
Renonçant servile, il les apercevait pourtant bien, les autres.
Ânes aux enfants rieurs qui savaient se cabrer pour une carotte !
Qu’il est drôle ce monde qui se vit dans l’innocence du plaisir.
Comment peut-on galoper quand on ne connaît pas la route, déclamer quand on sait combien la joie s’effrite ?
Il s’y était essayé pourtant, à marcher à l’abri du troupeau des autres.
Mais il ne résistait jamais bien longtemps.
Il reprenait toujours une bassesse mystérieuse.
Il se redéplaçait à l’envers.
Il pressentait son destin d’humble grandi.
Il ne sait toujours pas pourquoi il fut choisi ce jour-là.
Un éclair, une lumière. Il était seul sous le porche.
Un jour tout ordinaire pour lui, à l’abri de l’olivier.
Puis soudain, la foule avait grandi de joie.
Une clameur, des regards partout posés sur cet homme au manteau aveuglant, son compagnon de route.
L’évidence lui avait rendu sa fierté.
Sa main l’avait effleuré comme une caresse immensément soignante.
Il n’avait jamais ressenti l’âme d’une peau. Elle exhalait.
Enfin sa petite gloire à lui de servir le Seigneur,
Sa joie immense d’animal déclassé d’être le premier sous Lui.
Libre et fier enfin, ce petit d’âne sur le tapis des rameaux.
Comme tu m’es modèle, toi le gris des champs, quand tu crois enfin à ta dignité.
Merci Seigneur de m’avoir relevé.
Sébastien,
frère de la Communion Béthanie
Tout au long de ce Carême 2025 et jusqu’à Pâques, retrouvez les méditations proposées par notre frère Sébastien.
Ainsi parle le Seigneur,
Lui qui fit un chemin dans la mer,
un sentier dans les eaux puissantes,
Lui qui mit en campagne des chars et des chevaux,
des troupes et de puissants guerriers ;
les voilà tous couchés pour ne plus se relever,
ils se sont éteints, consumés comme une mèche.
Le Seigneur dit :
Ne faites plus mémoire des événements passés,
ne songez plus aux choses d’autrefois.
Voici que je fais une chose nouvelle :
elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ?
Oui, je vais faire passer un chemin dans le désert,
des fleuves dans les lieux arides.
Les bêtes sauvages me rendront gloire,
– les chacals et les autruches –
parce que j’aurai fait couler de l’eau dans le désert,
des fleuves dans les lieux arides,
pour désaltérer mon peuple, celui que j’ai choisi.
Ce peuple que je me suis façonné
redira ma louange.
Livre d’Isaïe 43, 16-21
Arbrisseau plein de promesses qui veut déjà redevenir graine.
Drôle d’enfant que celui qui s’enterre lui-même,
Si jeune, si lourd.
Plus d’innocence quand la gravité l’habite.
Bagarreur ou fuyant. Pas de demi-mesure: ne saurait-il pas aimer ?
S’écarterler à lui-même,
Une torture qui n’en finit pas, chaque matin reprise.
Se défaire à tout prix de ce qui le trouble.
Douleur sourde et lancinante.
Étrange vigilance à tenir, si lourde pour le gosse.
Il veut sortir ce qui cloche du dedans de lui-même.
Il veut s’ouvrir seul une travée dans les flots.
Différence, anomalie, cabosse ou malformation,
A peine esquissée, mais qui ne laisse pas de doute.
Peur qu’elle se dévoile. Terreur qu’elle trahisse.
Être nu et spolié de soi.
Oui le gamin veut déjà disparaître.
Il se vit taupe en chemin.
Obscurité et frayeur, seul en galeries souterraines, toujours la tête baissée.
Où étais-Tu Seigneur pour ce drôle?
Quand s’est-il vu contemplé par Toi ?
Il ne Te connaissait pas encore.
Il ne se savait pas tant aimé.
Impensable de Ta grâce sur sa différence.
Gossicide que Tu as pourtant empêché, net et tard.
J’en témoigne : Tu m’as sauvé.
Tu étais déjà dans ma poche à billes.
Il se répare encore ce drôle d’adulte.
C’est lui mon trésor.
Pauvreté sans solitude, au final.
Ta Croix lui a évité la terre battue, je le sais aujourd’hui.
Racines de l’oppression précoce qui m’irriguent désormais en Toi.
Seigneur, fais donc jaillir tôt la vie féconde, dès les enfances différentes.
Sébastien,
frère de la Communion Béthanie
Tout au long de ce Carême 2025 et jusqu’à Pâques, retrouvez les méditations proposées par notre frère Sébastien.
En ce temps-là,
les publicains et les pécheurs
venaient tous à Jésus pour l’écouter.
Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui :
Cet homme fait bon accueil aux pécheurs,
et il mange avec eux !
Alors Jésus leur dit cette parabole :
Un homme avait deux fils.
Le plus jeune dit à son père :
Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.
Et le père leur partagea ses biens.
Peu de jours après,
le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait,
et partit pour un pays lointain
où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre.
Il avait tout dépensé,
quand une grande famine survint dans ce pays,
et il commença à se trouver dans le besoin.
Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays,
qui l’envoya dans ses champs garder les porcs.
Il aurait bien voulu se remplir le ventre
avec les gousses que mangeaient les porcs,
mais personne ne lui donnait rien.
Alors il rentra en lui-même et se dit :
Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance,
et moi, ici, je meurs de faim !
Je me lèverai, j’irai vers mon père,
et je lui dirai :
Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi.
Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.
Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.
Il se leva et s’en alla vers son père.
Comme il était encore loin,
son père l’aperçut et fut saisi de compassion ;
il courut se jeter à son cou
et le couvrit de baisers.
Le fils lui dit :
Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi.
Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.
Mais le père dit à ses serviteurs :
Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller,
mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds,
allez chercher le veau gras, tuez-le,
mangeons et festoyons,
car mon fils que voilà était mort,
et il est revenu à la vie ;
il était perdu,
et il est retrouvé.
Et ils commencèrent à festoyer.
Or le fils aîné était aux champs.
Quand il revint et fut près de la maison,
il entendit la musique et les danses.
Appelant un des serviteurs,
il s’informa de ce qui se passait.
Celui-ci répondit :
Ton frère est arrivé,
et ton père a tué le veau gras,
parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.
Alors le fils aîné se mit en colère,
et il refusait d’entrer.
Son père sortit le supplier.
Mais il répliqua à son père :
Il y a tant d’années que je suis à ton service
sans avoir jamais transgressé tes ordres,
et jamais tu ne m’as donné un chevreau
pour festoyer avec mes amis.
Mais, quand ton fils que voilà est revenu
après avoir dévoré ton bien avec des prostituées,
tu as fait tuer pour lui le veau gras !
Le père répondit :
Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi,
et tout ce qui est à moi est à toi.
Il fallait festoyer et se réjouir ;
car ton frère que voilà était mort,
et il est revenu à la vie ;
il était perdu,
et il est retrouvé !
Luc 15, 1-3.11-32
Longtemps je t’ai craint.
Viril et barbu, aux mains abîmées par le travail de la vigne et l’usine.
Rudesse sans noblesse, fureur de la droiture.
Noirceur du mineur, sans le livre ou la musique.
Enfant, j’ai redouté tes reproches,
Moi à l’école, toi à la terre ;
Toi l’homme accompli, moi le raffiné honteux.
Ta maison tremblait de coups et de diatribes.
Ta foudre aurait pu me cisailler.
Net, j’aurais disparu.
A moi les Arts, à toi le combat.
Sans dignité, jamais je ne pouvais T’atteindre.
J’ai fini par T’oublier pour vivre.
Je T’ai fui, je T’ai ri au nez.
J’ai vaqué sur des chemins perdus.
Je les ai tracés moi-même et sans équerre.
Je me suis abîmé dans l’outrance ;
Elle m’a fait sortir de moi avec raison.
J’ai donné mon corps tant de fois.
Ses cris d’amour me suffoquaient à mourir.
J’ai couru si loin, si vite,
Sans souffle, sans pause.
Je n’ai jamais revu Ta maison sans être vieux à mon tour.
J’avais peur de Te revenir sans me renier.
Je ne veux pas me casser dans Tes bras, Père.
Entoure-moi comme un cristal qui pleure.
Au Ciel, enfin réconciliés,
Toi et moi,
Dans la lumière de Ton amour inconditionnel.
Se pardonner l’errance et la fuite.
Les mots injustes, ceux qui ne se disent plus,
Les saints écrits qui te disent en colère.
Tu me manques enfin, papa de cette terre.
Seigneur Père, accueille-le lui aussi, frêle et doux.
Sébastien,
frère de la Communion Béthanie
Tout au long de ce Carême 2025 et jusqu’à Pâques, retrouvez les méditations proposées par notre frère Sébastien.
Un jour, des gens rapportèrent à Jésus l’affaire des Galiléens
que Pilate avait fait massacrer,
mêlant leur sang à celui des sacrifices qu’ils offraient.
Jésus leur répondit :
Pensez-vous que ces Galiléens
étaient de plus grands pécheurs
que tous les autres Galiléens,
pour avoir subi un tel sort ?
Eh bien, je vous dis : pas du tout !
Mais si vous ne vous convertissez pas,
vous périrez tous de même.
Et ces dix-huit personnes
tuées par la chute de la tour de Siloé,
pensez-vous qu’elles étaient plus coupables
que tous les autres habitants de Jérusalem ?
Eh bien, je vous dis : pas du tout !
Mais si vous ne vous convertissez pas,
vous périrez tous de même.
Jésus disait encore cette parabole :
Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne.
Il vint chercher du fruit sur ce figuier,
et n’en trouva pas.
Il dit alors à son vigneron :
Voilà trois ans que je viens
chercher du fruit sur ce figuier,
et je n’en trouve pas.
Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?
Mais le vigneron lui répondit :
Maître, laisse-le encore cette année,
le temps que je bêche autour
pour y mettre du fumier.
Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir.
Sinon, tu le couperas.
Luc 13, 1-9
Lorsque je lis ce passage de l’Évangile, je me sens petit, minime, écrasé par l’urgence absolue, pressente de la conversion.
J’ai peur Seigneur.
Je me sens disparaître face à Ton exigence que les hommes me racontent, honteusement.
Moi qui ne sais même pas ce que se convertir signifie.
Oui, je tente bien, faiblement éclairé de l’intérieur de moi.
Je sais que Ta demande de conversion est appel à la vie ; elle n’est pas menace de mort.
Je sais que Ton plan de conversion de l’âme n’est pas un plan d’actions.
Je vais donc devoir avancer avec ce sentiment d’urgence grandissant.
Plus j’avance, plus la route s’allonge,
Plus je prends du temps, plus j’en dispose,
Plus je vis l’urgence, plus Dieu est patient de mon temps court.
Toi seul me convertis.
Je me laisse façonner par Toi, activement.
Tu m’encombres et c’est juste.
Tu veux mes doutes, c’est certain.
Je ne cours plus le risque avec Toi de vivre sans me questionner.
Un petit morceau de conversion, c’est la réalisation toute fugace de Ta présence déréalisée.
Tout le long de ma Vie, éprouver le sursis infini de Dieu qui s’attache à labourer mon cœur.
Se convertir, c’est donc produire ces fruits d’amour, de justice et de pardon, si lents à mûrir pour faire Pâques dans mon cœur.
Maudite tentation de me résoudre à la stérilité de ma vie !
Sauve-moi toujours Seigneur du désabus de moi-même.
Car cette colère me fige. Où que je regarde, les visions d’injustice m’assaillent, la violence me brise, mon enfance me marque au fer rouge de la souffrance.
Je suis révolté Seigneur.
Comment me convertir quand ce feu brûlant me consume, quand l’indignation m’étouffe ?
Ce courroux que rien n’apaise, qui exige la tête de l’autre, sans que jamais elle ne suffise à le calmer.
Aide-moi Seigneur à attiser la flamme de l’Espérance, surtout quand il fait nuit.
Aide-moi Seigneur à convertir mon regard en le réorientant vers le Beau, le Vrai, le Juste ; inlassablement.
Seule sédimentation apaisante de mon emportement que de me déposséder de l’injuste.
Contempler enfin, c’est cela se convertir.
Sébastien,
frère de la Communion Béthanie
Tout au long de ce Carême 2025 et jusqu’à Pâques, retrouvez les méditations proposées par notre frère Sébastien.
En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier.
Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante.
Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire.
Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem.
Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés.
Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie.
Il ne savait pas ce qu’il disait. Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent.
Et, de la nuée, une voix se fit entendre : Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le !
Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.
Luc 9, 28b-36
Chères sœurs, chers frères,
En ce deuxième dimanche de Carême, nous méditons la Transfiguration du Christ, notre Seigneur.
Son visage change d’apparence ;
Sa blancheur sidérante est indicible, structurellement autre, tellement étrangère.
Comment ne pas être ébloui par l’infinie magnificence d’une telle manifestation ?
Comment la Transfiguration peut devenir figure d’accomplissement sans nous rendre aveugle ?
Comment contempler à distance la gloire de Dieu manifestée ici en Jésus ?
Quelle est la juste proximité au Divin alors qu’il nous habite déjà tellement ?
Résister de raison à l’hubris d’une comparaison vaine…
Ni Icare, ni Phaéton ; ni Bellérophon, ni Samson.
Les réalités célestes nous écrabouillent souvent, nous petits d’hommes et de femmes ancrés dans notre condition, nos étroitesses, nos bosses et cabosses.
L’infini peut devenir abîme vertigineux, sa proximité si brutale qu’elle en devient insoutenable.
Ne surtout pas mourir alors à nous-mêmes dans notre quête du Divin.
S’approcher de Dieu, ce n’est pas tenter la Transfiguration.
C’est poursuivre la transformation lente, inaccomplie mais qui sauve déjà.
Suivre Dieu, c’est chercher avec ténacité Sa présence sans jamais tenter le face-à-face.
Notre passage ici-bas est une ascension laborieuse et modeste, où le Ciel peut s’approcher sans jamais se laisser atteindre.
Seigneur, aide-nous à marcher à Ta suite sans jamais prétendre T’imiter ;
Aide-nous à Te discerner sans jamais oser Te voir ;
Agis-nous par Ta parole de vie sans tenter Ton imitation.
Transforme-nous, toujours imparfaitement.
Car Ta Résurrection et Ta Gloire doivent nous guider en nous maintenant à distance.
Nous, éternels ignorants de leur mystère profond.
Sébastien,
frère de la Communion Béthanie
Tout au long de ce Carême 2025 et jusqu’à Pâques, retrouvez les méditations proposées par notre frère Sébastien. .
En ce temps-là,
après son baptême,
Jésus, rempli d’Esprit Saint,
quitta les bords du Jourdain ;
dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert
où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable.
Il ne mangea rien durant ces jours-là,
et, quand ce temps fut écoulé,
il eut faim.
Le diable lui dit alors :
Si tu es Fils de Dieu,
ordonne à cette pierre de devenir du pain.
Jésus répondit :
Il est écrit :
L’homme ne vit pas seulement de pain.
Alors le diable l’emmena plus haut,
et lui montra en un instant tous les royaumes de la terre.
Il lui dit :
Je te donnerai tout ce pouvoir,
et la gloire de ces royaumes,
car cela m’a été remis et je le donne à qui je veux.
Toi donc, si tu te prosternes devant moi,
tu auras tout cela.
Jésus lui répondit :
Il est écrit :
C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras,
à lui seul tu rendras un culte.
Puis le diable le conduisit à Jérusalem,
il le plaça au sommet du Temple
et lui dit :
Si tu es Fils de Dieu,
d’ici jette-toi en bas ;
car il est écrit :
Il donnera pour toi, à ses anges,
l’ordre de te garder ;
et encore :
Ils te porteront sur leurs mains,
de peur que ton pied ne heurte une pierre.
Jésus lui fit cette réponse :
Il est dit :
Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu.
Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations,
le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé.
Saint Luc, 4,1-13
En ce temps de Carême, nous sommes invités chères sœurs, chers frères, à entrer au Désert, cette oasis de cœur, ce lieu de ressourcement, cet Eden d’espace d’intimité avec Toi.
Oui Seigneur Jésus, tu as connu ce Désert.
Tu as su y vivre le dépouillement ; tu as su rendre plein ce lieu d’absence ; tu as su y affronter l’Adversaire.
Notre désert à nous n’est parfois pas le Tien.
Nous en traversons un pourtant, aride et malmené par les vicissitudes des hommes,
Un désert mondain qui nous agite, qui accable et nous éloigne de l’autre,
Un désert d’agitation vaine, tenté par la voix du désespoir,
Un désert qui se nourrit de nos craintes, de ces émotions tristes qui nous emportent.
Notre désert à nous, nous isole. Uniforme et plat, il nous assoiffe,
Son horizon sans limites nous enclave,
Nos doutes s’y renforcent, nos insécurités intérieures y deviennent tragiques,
Quand nos souffrances résonnent alors avec celles du Monde.
Le Désert où tu nous invites, Seigneur en ce temps de Carême, transforme le nôtre.
Lieu d’intériorité et de silence,
Lieu d’une solitude habitée par Dieu, reliée à Toi,
Lieu de dialogue avec nous-mêmes en Toi,
Lieu de traversée libre de ta Parole silencieuse qui étanche notre soif.
C’est Le Désert où nos fragilités sont grandes et acclamées, luxuriantes et pleines de sève.
C’est le Désert des Vulnérabilités gracieuses où nous nous confions et nous abandonnons à Toi.
C’est le Désert qui n’est pas repli,
C’est le Désert qui nous abreuve,
C’est le Désert qui fait sens.
Tu nous y guides et tu nous y transformes.
Doux et exigeant compagnonnage, à la manière d’Israël et d’Elie.
Se laisser guider par Toi vers ce Désert, Seigneur, c’est Te faire pleine place, enfin.
Accorde-nous donc Seigneur la grâce d’oser T’y rencontrer,
Déjà en ce tout début de Carême,
Car déjà Pâques germe en nous…
Sébastien,
frère de la Communion Béthanie
Une méditation proposée par notre sœur Valérie.
Ces derniers jours, marchant sur un chemin dans la montagne, j’ai vu une cathédrale dans l’ombre portée d’une souche d’arbre coupé.
Illusion de cathédrale.
Vision pourtant bien réelle, offerte peut-être à mon seul regard ce jour-là.
Poussant la vision un peu plus loin, j’ai imaginé des pèlerins, ceux de l’ombre, ceux de la lumière, gravissant la montagne et convergeant vers cette cathédrale aux allures de forteresse, pour y unir leurs louanges à Dieu.
Il faut je crois, sinon une âme d’enfant, du moins encore assez d’esprit d’enfance, pour voir et prendre au sérieux ce genre de vision éphémère.
« On dirait que… », disions-nous enfants.
Et si, par de simples jeux de regards, de simples élans du cœur, nous nous mettions tous et toutes à bâtir ainsi temples et cathédrales, devenant les bâtisseurs de paix pour le Prince de Paix ?
Le monde n’en serait-il pas plus beau et le Royaume plus proche ?
Valérie,
Sœur de la Communion Béthanie