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Archive de l’étiquette Etty Hillesum

4e dimanche de l’Avent 2024

Une méditation sélectionnée par notre frère Pierre.

D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Luc 1, 43

Toi qui m’a tant enrichie, mon Dieu, permets-moi aussi de donner à pleines mains. Ma vie s’est muée en un dialogue ininterrompu avec toi, mon Dieu, un long dialogue. Quand je me tiens dans un coin du camp, les pieds plantés dans la terre, les yeux levés vers ton ciel, j’ai parfois le visage inondé de larmes – unique exutoire de mon émotion intérieure et de ma gratitude. Le soir aussi, lorsque couchée dans mon lit, je me recueille en Toi, mon Dieu, des larmes de gratitude m’inonde parfois le visage et c’est cela, ma prière à moi.
Je suis très fatiguée depuis quelques jours mais cela passera comme le reste : tout progresse selon un rythme profond propre à chacun de nous et l’on devrait apprendre aux gens à écouter et respecter ce rythme ; c’est ce qu’un être humain peut apprendre de plus important en cette vie.
Je ne lutte pas avec Toi, mon Dieu, ma vie n’est qu’un long dialogue avec Toi. Il se peut que je ne devienne jamais la grande artiste que je voudrais être, car je suis trop bien abritée en Toi mon Dieu. Je voudrais parfois tracer à la pointe sèche de petits aphorismes et de petites histoires vibrantes d’émotion, mais le premier mot qui me vient à l’esprit, toujours le même, c’est : Dieu, et il contient tout et rend tout le reste inutile. Et toute mon énergie créatrice se convertit en dialogues intérieurs avec Toi ; la houle de mon cœur s’est faite plus large depuis que je suis ici, plus animée et plus paisible à la fois, et j’ai le sentiment que ma richesse intérieure s’accroît sans cesse.
18 août 1943, Les écrits d’Etty Hillesum, Journaux et lettres 1941-1943 (page 897).

C’est la toute dernière lettre d’Etty, écrite quelques jours avant son départ pour Auschwitz le 6 septembre 1943 (elle disparaîtra trois mois plus tard). Consciente du destin qui l’attend, Etty s’attache à regarder toujours plus loin et plus large pour voir ce qui pourrait advenir de beau. Elle demande à Dieu « de la prendre par la main » et s’engage « à le suivre bravement et sans beaucoup de résistance ». Etty se dispose ainsi à accueillir au mieux celles et ceux qu’elle rencontre, vivant au plus près le « sacrement du frère » qui donne sens à l’existence. Le jour de son départ en déportation, un de ses amis écrit : « Nous éprouvons un sentiment de perte, mais nous ne nous sentons pas les mains vides. Une amitié comme la sienne ne se perd pas ». Tout est dit.

Pierre,
frère de la Communion Béthanie

3e dimanche de l’Avent 2024

Une méditation sélectionnée par notre frère Pierre.

Je vais t’aider, mon Dieu

Frères, soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. Ne soyez inquiets de rien, mais en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus.
De l’apôtre Paul aux Philippiens 4, 4-7

C’est sans doute la plus belle (en tout cas la plus célèbre) prière d’Etty Hillesum, une prière bien dans la tradition juive. « Du Dieu de l’intériorité » au Dieu « incapable de modifier le cours des choses », non plus un Dieu que nous sollicitons pour quémander de l’aide mais un Dieu que nous pouvons aider. Pourquoi ? Afin de ne pas le laisser mourir en nous, ce qui révèle la grande crainte d’Etty. Elle liait étroitement relation à Dieu et amour du prochain. Sa préoccupation fait écho à cette parole attribuée à Thérèse d’Avila « Christ n’a pas de mains. Il n’a que nos mains pour faire son travail aujourd’hui ».

Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire : ce n’est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t’aider – et, ce faisant, nous nous aidons nous-mêmes. C’est tout ce qu’il nous est possible de sauver en cette époque et c’est aussi la seule chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu. Peut-être pourrons-nous aussi contribuer à te mettre au jour dans les cœurs martyrisés des autres. Oui, mon Dieu, tu sembles peu capable de modifier une situation finalement indissociable de cette vie. Je ne t’en demande pas compte, c’est à toi au contraire de nous appeler à rendre des comptes, un jour. Il m’apparaît de plus en plus clairement, presque à chaque pulsation de mon cœur, que tu ne peux pas nous aider, mais que c’est à nous de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrite en nous.
Etty HILLESUM, 12 juillet 1943.

Pierre,
frère de la Communion Béthanie

2e dimanche de l’Avent 2024

Une méditation sélectionnée par notre frère Pierre.

Paume 125 (126)

Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rire,
nous poussions des cris de joie.

Alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :
nous étions en grande fête !

Ramène, Seigneur nos captifs,
comme les torrents au désert.
Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie.

Il s’en va, il s’en vient en pleurant,
il jette la semence ;
il s’en vient, il s’en vient dans la joie,
il rapporte les gerbes.

Il y a en moi un puits très profond. Et dans ce puits, il y a Dieu. Parfois, je parviens à l’atteindre. Mais plus souvent, des pierres et des gravats obstruent ce puits, et Dieu est enseveli. Alors il faut le remettre au jour. Il y a des gens, je suppose, qui prient les yeux levés vers le ciel. Ceux-là cherchent Dieu en dehors d’eux. Il en est d’autres qui penchent la tête et la cachent dans leurs mains, je pense que ceux-ci cherchent Dieu en eux-mêmes. (26 août 1941)

(…) Et je te remercie de m’avoir donné le don de lire dans le cœur des autres. Les gens sont parfois pour moi des maisons aux portes ouvertes. J’entre, j’erre à travers des couloirs, des pièces : dans chaque maison, l’aménagement est un peu différent, pourtant elles sont toutes semblables et l’on devrait pouvoir faire de chacune d’elles un sanctuaire pour toi, mon Dieu. Et je te le promets, je te le promets mon Dieu, je te chercherai un logement et un toit dans le plus grand nombre de maisons possible. C’est une image amusante : je me mets en route pour te chercher un toit. Il y a tant de maisons inhabitées où je t’introduirai comme invité d’honneur. Etty HILLESUM, in Une vie bouleversée (page 208).

Pierre,
frère de la Communion Béthanie

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