Une méditation proposée par notre frère Manuel.
Il y avait un artisan. Il aimait beaucoup son travail, et il aimait beaucoup aussi se rendre à l’église dimanche après dimanche. Oui, ce rendez-vous hebdomadaire illuminait toute sa semaine. Ce qu’il aimait lors des offices liturgiques était de chanter, chanter à plein poumon, chanter avec tout son être, et se laisser porter par la musique et les paroles qu’il disait avec les autres. Parfois ses voisins le regardaient avec un air surpris, ou narquois, mais il ne s’en rendait même pas compte, et s’il s’en apercevait, il oubliait aussitôt. Jusqu’à ce qu’il entende un dimanche ces paroles qui furent pour lui comme un couperet :
En effet, en effet, qui chante prie deux fois, mais assurez-vous de bien chanter. Ne châtiez pas les oreilles du Seigneur en chantant faux, car il n’aime que l’harmonie du chant et les voix bien timbrées.
Notre artisan commença à s’inquiéter. Il ne s’était jamais posé la question de s’il chantait bien ou pas, il chantait quand il fallait le faire, point. Mais, et si c’était vrai ? Et si c’était vrai que le Seigneur n’aime que les belles voix et le chant bien chanté ? Il ne savait même pas s’il chantait faux ou pas. Le dimanche suivant il posa la question à ses voisins et voisines : avec plus ou moins de tact ils lui confirmèrent que la qualité de son chant n’était pas à la hauteur de son amour pour la musique. À partir de ce moment l’artisan décida de ne plus chanter, pour ne malmener ni le Seigneur ni ses voisins.
Comme à tout être humain, il arriva à notre artisan qu’il mourut. Il se trouva devant Dieu et ses anges, et il comprit que c’était le moment de son jugement final. Il tomba à genoux devant le trône et implora la miséricorde de Dieu. Et Dieu lui-même lui répondit :
Artisan, ma miséricorde t’est acquise depuis toujours ; tu as mené ta vie comme tu as pu, et je suis fier de toi. En revanche, j’ai une chose à te reprocher : pourquoi m’as-tu privé de ta voix lors des offices les dimanches ? En effet, tu as toujours très mal chanté, mais tu vois, ton chant, quoique imparfait, et l’amour que tu y mettais m’a beaucoup manqué. Maintenant viens, entre dans la joie de ton Seigneur, augmente ma joie avec ta voix et chante, chante tout ce que tu voudras.
Les anges sourirent, invitèrent l’artisan à franchir les portes, et le ciel se remplit de chants et de rires.
Manuel,
frère de la Communion Béthanie
Une méditation proposée par notre sœur Valérie.
Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous? Les publicains aussi n’agissent-ils pas de même ? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens aussi n’agissent-ils pas de même ? Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait. Mt 5 : 43-48, Bible Segong.
11 novembre en France, jour férié et de commémoration.
Commémoration : rappeler, célébrer par une cérémonie le souvenir d’une personne, d’un évènement.
De qui se souvenir ?
Des valeureux tombés au combat ? Des victimes, tant civiles que militaires ? De ceux qui ont survécu ?
De quoi se souvenir ?
De la guerre ? De la paix ? De l’entre deux qu’est l’armistice ?
De ce temps où les peuples d’Europe se déchiraient ?
De ce temps que les moins de 110 ans n’ont pu connaître, un temps où notre époque puise ses racines ?
11 novembre, à la mi-temps de l’automne.
Je me souviens que les guerres sont intemporelles, universelles. Où que se porte mon regard, je vois la lutte incessante du bien contre le mal.
Je me souviens d’où je viens, une famille, une histoire. Des guerres ici aussi, beaucoup de bien, un peu de mal.
Je remonte à la source.
Je me souviens que le Messie envoyé à notre humanité n’a levé aucune armée, livré aucune bataille.
Je me souviens que son enseignement tout entier tient dans ce seul commandement, celui d’aimer.
Aimer et se savoir aimé.
Aimer le Seigneur, Notre Dieu, aimer son prochain, quel qu’il soit.
Je me souviens qu’Il a offert Sa Paix.
Croirons-nous un jour assez fort à cet Amour, tous et toutes ensemble, pour que le miracle s’accomplisse, d’un monde, d’une humanité vivant enfin en paix, dans Sa Paix ? La belle fête que ce sera alors, la belle célébration !
Valérie,
sœur de la Communion Béthanie
Une méditation proposée par notre sœur Valérie.
Octobre
Octobre rose. Des rubans accrochés aux revers d’une veste en disent long, bien au-delà des mots, sur des vies de femmes, des destins, la maladie.
Octobre noir. De tristes anniversaires, temps de deuil pour faire mémoire de vies arrachées à leurs proches. Attentat, terrorisme, guerre, chaos.
Octobre aux couleurs d’automne. Les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon cœur d’une langueur monotone.
Je suis chrétienne et je vis dans cette réalité-là, celle d’un octobre rose, noir et aux couleurs de l’automne.
Une réalité d’aujourd’hui, partagée avec les hommes et les femmes de notre temps.
Une réalité où se pose, où se dépose, ma prière, la vôtre, la nôtre. Une réalité qui se teinte alors aux couleurs divines de Son Amour, de Sa Paix, de l’Espérance et de la Bonne Nouvelle offerte à qui veut l’entendre.
Rassasie-nous de ton amour Seigneur : nous serons dans la joie.
Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos cœurs pénètrent la sagesse.
Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ? Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.
Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
Rends-nous en joies tes jours de châtiment et les années où nous connaissions le malheur.
Fais connaître ton œuvre à tes serviteurs et ta splendeur à leurs fils.
Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu ! Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains ; oui, consolide l’ouvrage de nos mains. Ps 89 (90) 12-17
Paix et Bien à chacun, à chacune.
Valérie,
sœur de la Communion Béthanie
Une méditation proposée sélectionnée par notre frère Raphaël.
Jésus dit aux Juifs qui avaient cru en lui : si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libre.
Jn, 8,31-32
Ceux, en effet, qui vivent selon la chair s’affectionnent aux choses de la chair, tandis que ceux qui vivent selon l’Esprit s’affectionnent aux choses de l’Esprit. Et l’affection de la chair, c’est la mort, tandis que l’affection de l’Esprit, c’est la vie et la paix.
Rm 8,5-6
Il me semble que tout humain aspire à la vérité. Non pas à sa vérité propre, ni à ce qui lui semble vrai, en comparaison de ce qu’il définit comme faux. Mais à la vérité dont nous parle Jésus.
Le monde dans lequel nous vivons n’est pas mauvais en soi. Mais il propose à l’humain que nous sommes, beaucoup d’éléments pour nourrir « la chair ». « Sarx » en grec, c’est la chair, le corps, mais plus globalement, la condition de créature. C’est-à-dire, pour ce qui concerne l’humain, sa personne, son être, son individualité, ses besoins… son « je ».
La chair n’est donc pas mauvaise en soi non plus. Elle caractérise le penchant naturel de l’humain vers tout ce qui peut combler ses désirs légitimes (sécurité, confort, bien-être…).
Mais la Parole, qui s’est faite chair en Jésus, nous emmène plus loin. Elle nous appelle à ne pas nous laisser enfermer dans notre chair. Un attachement excessif aux besoins du « je » est mortifère. C’est pourquoi « l’affection de la chair, c’est la mort ». La Parole, en revanche, est vie et nous invite à dépasser le « je » (non à le nier), pour nous tourner vers plus grand, vers un « tu » potentiel. C’est là l’œuvre de l’Esprit.
Jésus nous invite à garder sa parole et même à « demeurer » en elle, à y vivre, à y puiser nos forces quotidiennement. C’est, pour le disciple, la seule façon de connaître la véritable liberté, qui ne consiste ni en la négation de notre condition humaine, ni à un enfermement dans celle-ci, mais au dépassement de notre vision trop étroite du monde et de la vie.
La vérité participe du vivant, elle appartient à la chair. Toujours exposée, toujours nue, elle est toujours établie dans une rencontre et en relation avec un autre (…) C’est purement dans un lien délié entre deux êtres que la liberté et la vérité prennent sens (…).
Jean-Pierre Brice Olivier, Oser la chair, Éditions du Cerf, Paris, 2014.
Raphaël,
frère de la Communion Béthanie
Une méditation proposée par notre frère prieur.
Ma terre de fond est notre Communion Béthanie.
Au quotidien, mon métier est d’être adjoint en pastorale scolaire.
J’ose dire que ces deux réalités se nourrissent l’une l’autre.
Une fois n’est pas coutume.
Je vous partage, ci-dessous, mon mot d’accueil pour le temps d’intériorité de notre journée de pré-rentrée.
Un signe, modeste mais bien réel, de la fécondité de notre petite famille spirituelle.
« Une des particularités d’un établissement catholique d’enseignement, c’est cette petite lampe qui brûle, en son sein, nuit et jour, dans une pièce nommée chapelle.
Notre lycée n’échappe pas à cette particularité.
Que signifie cette lampe ?
Pour les chrétiens catholiques, elle exprime la réelle présence du Christ-Jésus, dans le pain consacré lors de la Messe.
A l’origine, cette réserve eucharistique était là pour apporter la communion aux personnes absentes des assemblées, personnes âgées, malades, portant un handicap…
Peu à peu, cette réserve eucharistique est devenue un appel à l’adoration.
Cette réserve est conservée dans une boîte appelée tabernacle.
Etymologiquement, le tabernacle est la tente de la rencontre.
Dans une école catholique, une des missions premières du chef d’établissement et de son adjoint en pastorale, c’est de garder ce tabernacle.
Ainsi, pouvons-nous comprendre, qu’au-delà de nos croyances religieuses ou pas, cette petite lampe signifie la veille sur notre qualité de rencontre.
Je vous invite à la méditation :
Quelle est, aujourd’hui, ma qualité de rencontre avec moi-même, au plus intime de mon cœur ?
Quel désir, me propulse, au seuil de cette année scolaire nouvelle, pour me déconnecter et m’ouvrir à d’autres connexions ?
Quel est mon appel à veiller sur ma qualité de rencontre avec les autres, avec tous les autres ?
Pour les chrétiennes, les chrétiens, pour les croyants d’autres religions, pour tous les chercheurs de sens parmi nous, regardons, s’il vous plaît, quelques instants, cette lampe,
Elle est le signe et le signal que Dieu est venu nous rejoindre au fond de nos abîmes.
Il nous rejoint, là où personne d’autre ne peut nous rejoindre.
Il nous accompagne, là où personne d’autre ne peut marcher avec nous.
Il nous accepte là où nous ne nous acceptons pas.
Il nous déplace vers les autres, en dehors de nos cercles parfois fermés.
Il, quel que soit le nom que nous lui donnons ou pas, ouvre toujours à la rencontre. »
Sereine rentrée, scolaire, universitaire, sereine rentrée tout court !, à vous toutes et tous,
Jean-Michel+,
votre frère prieur de la Communion Béthanie
Une méditation proposée par notre sœur Valérie.
Comme Jésus montait dans la barque, ses disciples le suivirent. Et voici que la mer devint tellement agitée que la barque était recouverte par les vagues. Mais lui dormait. Les disciples s’approchèrent et le réveillèrent en disant : « Seigneur, sauve-nous ! Nous sommes perdus. » Mais il leur dit : « Pourquoi êtes-vous si craintifs, hommes de peu de foi ? » Alors, Jésus, debout, menaça les vents et la mer, et il se fit un grand calme. Les gens furent saisis d’étonnement et disaient : « Quel est donc celui-ci, pour que même les vents et la mer lui obéissent ? » Mt 8,23-27
A-t-on jamais assez de toute une vie pour entendre et recevoir tous les fruits de cette parabole ?
Je la trouve d’une criante actualité, dans le monde aussi bien que dans ma vie.
Les vagues incessantes de violence, de guerre, de haine.
Ma vie, avec son lot d’épreuves, de celles qui donnent grise mine.
Un ciel plombé comme un jour de tempête.
Pour autant, faut-il souhaiter que le Dieu vengeur de l’Ancien Testament, ce vieillard barbu ornant les fresques de nos églises, déboule ici-bas en déchirant le ciel pour remettre de l’ordre à tout ce chaos ambiant, comme dans le film « Les Dix Commandements » de Cécil B. Demille ?
Non, bien sûr !
Alors quoi ?
Peut-être juste faire ma part en ce monde. Cultiver ma confiance en Sa Présence. Lui permettre d’apaiser les tempêtes en mon cœur, Lui qui commande au vent et à la mer.
Paix et Bien à chacun, à chacune.
Et paisible navigation à vous dans la mer de vos existences.
Valérie,
sœur de la Communion Béthanie
Une méditation proposée par notre frère Manuel.
Le début de la sagesse, c’est la crainte du Seigneur.
Pr 9, 10
L’auteur du livre des Proverbes répète cette affirmation à plusieurs reprises, avec des formulations différentes. Il n’est pas tout à fait original, car tout au long de la Bible nous trouvons cette invitation à craindre Dieu.
Mais, comment est-il possible d’avoir peur d’un Dieu qui est Amour, d’un Dieu à qui l’on peut appeler « Papa », d’un Dieu qui partage en tout la condition humaine jusqu’à la torture et la mort ? Ce n’est pas étonnant que Jean dise en sa première lettre :
Dans l’amour il n’y a pas de place pour la crainte. 1Jn 4, 18
En effet, pas de place pour la peur de Dieu, du châtiment, de l’enfer pour ceux et celles qui essaient de suivre le Christ au quotidien. Mais alors, qu’est-ce qu’on fait de la sagesse qui commence par la crainte ?
Peut-être que la sagesse ne commence pas par la peur, mais par le respect. La crainte de Dieu dont la Bible nous fait la pub, n’est autre chose que respecter Dieu. De la même manière que nous respectons autrui en étant conscient·es que nous ne connaissons pas tout de lui/elle, et que nous lui permettons d’être libre, nous sommes invité·es à laisser Dieu être Dieu, tout simplement.
Peut-être que craindre Dieu est tout simplement de lui dire, et reconnaître en soi, que nous ne pouvons pas l’enfermer dans nos catégories ; qu’il est libre d’agir et d’être, même si nous ne comprenons pas.
Peut-être que craindre Dieu est tout simplement s’émerveiller devant lui, rester bouche bée dans la prière et dans nos vies, quand nous devinons des traces de son passage, et dire avec le psalmiste :
Pour moi, ô Dieu,
que tes intentions sont impénétrables,
et que tes desseins sont incalculables !
Si je me mettais à les dénombrer,
ils surpasseraient tous les grains de sable qui bordent les mers.
Dès que je m’éveille, je suis avec toi.
Ps 139 [138], 17-18
C’est avec cette crainte-là que nous apprenons la sagesse du Seigneur, parce que nous grandissons dans l’amour et la relation avec notre Dieu Tri-Unité.
Manuel
frère de la Communion Béthanie
Une méditation sélectionnée par notre frère Raphaël.
Dégage-toi dans la mesure même où tu t’engages sans compter.
Prends de la distance dans la mesure même où tu communies fraternellement à autrui.
Le cœur humain même le plus généreux, n’est pas inépuisable.
Dieu seul est illimité.
À exiger sans cesse le maximum de lui-même, l’être profond se dissocie et se perd.
La parole alors devient vide et la prière inquiète.
Pour retrouver un regard libre sur les évènements, il faut fuir et se tenir, tranquille et rassemblé·e, devant le maître de tout.
Pars donc vers la source cachée de toute chose.
Quitte tout et tu trouveras tout.
Prends le temps de vivre amicalement avec toi-même.
Respire. Reprends haleine.
Apprends dans le repos du corps et de l’esprit la calme lenteur de toute germination.
Reçois la paix du Christ.
Ne te hâte pas afin de mieux courir dans la voie des commandements, le cœur au large.
Les Diaconesses de Reuilly
Raphaël,
frère de la Communion Béthanie
Méditation pour le jour de Noël proposée par Timothée de Rauglaudre.
Cette dernière méditation sera conclusive. Du moins synthétique. Car aujourd’hui est un début, non une fin. Et le Christ est celui qui ouvre, celui qui récapitule. À sa suite, récapitulons donc. Durant ces quatre dimanches de l’Avent, j’ai exploré pour vous quatre figures bibliques, ou plutôt trois et demi. D’abord celle du veilleur, de l’éveillé, qui guette l’aurore, qui attend la venue du Christ et prête attention au plus petit, à l’opprimé. Celle du prophète ensuite, à travers le dernier des prophètes (avant la venue du Messie), Jean le Baptiste : un prophète qui annonce le temps du Messie, un prophète de paix, de sobriété et de folie, un prophète d’humilité, qui s’abaisse. La figure de Marie enfin, celle qui a la foi révolutionnaire, qui réconcilie l’accueil de l’ange Gabriel et l’annonce libératrice du Magnificat.
Le Verbe s’est fait chair
Chacun de nous, chaque croyant, est appelé à habiter tous ces rôles, à un moment ou à un autre de sa vie, à son échelle. À veiller, à prophétiser, à faire activement confiance. Tous ces rôles nous sanctifient et nous font entrer un peu dans la Jérusalem céleste. Telle est la joie du chrétien. Mais aucune de ces figures n’est un visage évanescent, fantomatique. Ce sont des visages de chair. C’est ce que nous enseigne l’Évangile en ce jour béni de la Nativité de notre Seigneur Jésus-Christ. Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous (Jean 1, 14). Nous connaissons bien cette formule. Mais avons-nous vraiment compris sa portée ? Avons-nous vraiment assimilé ce que signifie ce mystère de l’Incarnation, le mystère de ce Dieu tout-puissant qui a pris notre condition d’hommes, une condition de petit parmi les petits, qui plus est ?
Un matérialisme spirituel
Matthieu nous raconte que les disciples, voyant Jésus marcher sur la mer, sont d’abord effrayés, croyant voir un fantôme (Matthieu 14, 26). C’est là un de nos plus grands péchés. Spiritualiser à l’excès la promesse de l’Évangile. Refuser le monde en attendant l’avènement d’un royaume lointain, dans les hauteurs de l’esprit, sans comprendre que ce royaume est déjà au milieu de [nous] (Luc 17, 21). Que le Christ a pris chair, qu’il est mort en souffrant dans sa chair, qu’il a ressuscité dans sa chair. Qu’il s’est incarné dans une époque, avec ses spécificités, ses paysages, ses souffrances, ses rapports de pouvoir. Que ses paraboles parlent de la terre, de l’humus, parce que la conscience de la matière, de la poussière, est le premier pas sur le chemin de l’humilité. Le christianisme est un matérialisme spirituel, ou un spiritualisme matériel. L’Évangile, c’est une promesse d’universel qui est apparue dans un contexte particulier. Aussi, c’est de façon incarnée, contextualisée dans notre époque, que nous devons recevoir ce message qui, lui, n’a pas bougé. Nous devons être des veilleurs incarnés, des prophètes incarnés, des « servantes du Seigneur » incarnées. C’est seulement avec cette conscience que nous pourrons honorer notre Sauveur, cette faible lueur qui resplendit dans la crèche, et que nous pourrons commencer à voir le royaume qui se bâtit, patiemment, discrètement, autour de nous.
Ce chant pour accompagner la méditation : The Kingdom of God de Taizé.
Timothée de Rauglaudre
Journaliste et auteur
Une méditation proposée par notre sœur Françoise.
Frères, [nous sommes] coopérateurs de Dieu…
On nous traite d’imposteurs, et nous disons la vérité ;
On nous prend pour des inconnus, et nous sommes très connus ;
On nous croit mourants, et nous sommes bien vivants ;
On nous punit, et nous ne sommes pas mis à mort ;
On nous croit tristes, et nous sommes toujours joyeux ;
Pauvres, et nous faisons tant de riches ;
Démunis de tout, et nous possédons tout.
2<sup>e</sup> lettre de saint Paul aux Corinthiens (6,1-10)
Ai-je pris conscience de ce beau titre de coopérateurs de Dieu ?
Sans doute un peu, mais ce que cela révèle de l’image que je renvoie, sans doute pas toujours !
Je ne suis pas une inconnue, alors même que je chercherais plutôt la discrétion ; un fond de timidité qui m’a longtemps marquée…
Je suis profondément vivante, quand bien même il a fallu traverser les ravins de la mort, ceux de l’angoisse, de mes enfermements, de la non reconnaissance, des oppositions…
Je n’ai pas été mise à mort, découvrant des ressources insoupçonnées face à l’adversité, à la détresse, à l’abandon… Je les ai reçues de Toi.
En Toi, dans l’assurance de ta présence ressuscitante, j’ai goûté la joie étonnante au-delà de la détresse et de l’affliction. Il y a une joie profonde que nul ne peut me ravir. Celle d’être riche de ma pauvreté, parce qu’elle m’ouvre des horizons lumineux de rencontres vécues à l’aune de la compassion, du non-jugement, dans l’accueil de la beauté et de la richesse de l’autre, attentive à toute vie en germe, en puissance.
Je suis coopératrice de Dieu, et je ne suis pas dans l’imposture, loin s’en faut, en reconnaissant tout homme, toute femme, toute personne dans son identité profonde. C’est la vérité de ce Dieu d’amour qui me fait vivre. Il affute sans se lasser mon regard pour reconnaître cette puissance de vie à l’œuvre, parfois au-delà de toute espérance !
Au moment favorable je t’ai exaucé…
Le voici déjà là le moment favorable !
Deo gratias
Françoise,
sœur de la Communion Béthanie
Une méditation proposée par notre sœur Loan.
TDoR : Transgender Day of Remembrance
En français : Journée du souvenir transgenre ou commémoration des victimes de transphobie.
Quelques chiffres, en cette Journée mondiale du souvenir à la mémoire des personnes mortes pour cause de transphobie :
320 personnes transgenres décédées de octobre 2022 à septembre 2023 dans le monde.
Huit fois plus de risque de faire une tentative de suicide (étude danoise récente).
Stress et troubles mentaux liés à ce que les personnes transgenres et non-binaires subissent dans la société.
Risque de mortalité deux fois plus élevé que pour les personnes cisgenres.
Se mettre devant cette réalité n’est pas une chose facile.
J’ai le souvenir d’une amie intersexe, Malinca, que j’ai accompagnée du mieux que j’ai pu pendant trois années et qui, après trois tentatives de suicide ratées, a sombré dans l’alcool.
Elle est décédée d’une embolie pulmonaire et de maladie auto-immune.
Oui elle a été rejetée par sa famille, son travail, son église, la société et le corps médical qui n’a pas reconnu son erreur en la forçant à vivre une vie d’homme qui n’était pas le désir de son cœur.
Oui sa famille ne m’a pas prévenue lors de son décès.
Heureusement sa foi en Christ lui a permis d’affronter toutes ces injustices du mieux qu’elle le pouvait.
Vers les derniers mois de sa vie sur notre Terre Mère, elle riait de ces tribulations dans son monde et remontait le moral du corps médical qui ne savait plus quoi faire d’elle.
Nous participons à ses souffrances et nous aurons part aussi à sa gloire. Rm 8.14-17
Bienheureux·euses les affligé·es car ils et elles seront consolé·es.
Bienheureux·euses les persécuté·es pour la justice car le royaume des cieux est à elles et à eux.
Bienheureux·euses serez vous lorsqu’on vous outragera, qu’on vous persécutera,
Et que l’on dira faussement de vous toute sorte de mal à cause de moi.
Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse !
Car votre récompense sera grande dans les cieux.
Matthieu 5.1-12
De là où elle est auprès de notre Seigneur, je sais qu’elle veille sur toutes les personnes transgenres et non-binaires.
Merci Seigneur,
De soutenir en ta Force toutes les personnes transgenres et non-binaires dans le monde qui subissent de la transphobie.
D’accueillir en ton Amour toutes les personnes transgenres et non-binaires qui sont décédées.
Nous te remettons nos sœurs Malinca, Françoise, Claudia et notre frère Gérard.
Merci pour notre belle Communion Béthanie qui est un havre de paix et de sécurité pour les personnes transgenres et non-binaires.
Je te rends Grâce pour ton Amour inconditionnel.
Merci pour tes inspirations et la poésie de tes mots doux :
Oui entre le jour et la nuit, il y a bien l’aube et le coucher du soleil qui, même si cela est minoritaire, cela reste un magnifique spectacle à se réjouir.
Magnifique est le Seigneur, tout mon être pour chanter Dieu.
Magnifique est le Seigneur, Alléluia, Alléluia.
Loan,
sœur de la Communion Béthanie
Une méditation sélectionnée par notre sœur Françoise.
Jamais vous ne pourrez vous voir vous-même dans un miroir…ce n’est pas dans un miroir que vous trouverez la révélation de vous-même. Vous ne pouvez pas vous regarder priant dans un miroir, vous ne pouvez pas vous voir comprenant dans un miroir. Votre vie profonde, celle par laquelle vous vous transformez vous-même, c’est une vie qui s’accomplit dans un regard vers l’autre.
Dès que le regard revient vers soi, tout l’émerveillement reflue et devient impossible. Quand on s’émerveille, c’est qu’on ne se regarde pas. Quand on prie, c’est qu’on est tourné vers un autre ; quand on aime vraiment, c’est qu’on est enraciné dans l’intimité d’un être aimé….
La vie profonde échappe à la réflexion du miroir ; elle ne peut se connaître que dans un autre et pour lui. Quand vous vous oubliez parce que vous êtes devant un paysage qui vous ravit, ou devant une œuvre d’art qui vous coupe le souffle, ou devant une pensée qui vous illumine, ou devant un sourire d’enfant qui vous émeut, vous sentez bien que vous existez, et c’est même à ces moments-là que votre existence prend tout son relief, mais vous le sentez d’autant plus fort que justement l’événement vous détourne de vous-même. C’est parce que vous ne vous regardez pas que vous vous voyez réellement et spirituellement, en regardant l’autre et en vous perdant en lui. C’est cela le miracle de la connaissance authentique. Dans le mouvement de libération où nous sortons de nous-mêmes, où nous sommes suspendus à un autre, nous éprouvons toute la valeur et toute la puissance de notre existence…
Dans ce regard vers l’autre, nous naissons à nous-mêmes.
Maurice Zundel
Françoise,
sœur de la Communion Béthanie