Une méditation sélectionnée par notre sœur Françoise.
C’est une question enfantine Elle est posée par l’âme qui s’agite dans une poignée de ciel bleu sous un silence trop grand pour elle : D’où je viens, moi qui n’étais pas toujours là ? Où j’étais quand je n’étais pas né ?
Notre époque a la réponse la plus courte qui soit : tu viens d’une copulation entre ton père et ta mère…
Au treizième siècle, au siècle de François d’Assise, la réponse était plus longue, beaucoup plus longue, même si elle se révélait aussi peu capable d’éteindre la question…Au treizième siècle on venait de Dieu et on y retournait.
La réponse était dans la Bible, ne faisait qu’un avec le Livre. Elle n’était pas tant dans la Bible que dans le cœur de celui qui lisait la Bible pour y trouver la réponse.
Et il ne pouvait bien lire qu’en faisant entrer sa lecture dans chacun de ses jours. La réponse n’était pas lue, mais éprouvée – charnellement éprouvée, mentalement éprouvée, spirituellement éprouvée.
Ce n’était pas une réponse de professeurs. Les professeurs sont des gens qui apprennent aux autres les mots qu’eux-mêmes ont trouvés dans les livres.
Mais on n’apprend pas dans un livre d’air. On en reçoit par intervalles la fraîcheur. On tressaille sous le souffle d’une parole : je t’aimais bien avant que tu sois né. Je t’aimerai bien après la fin des temps. Je t’aime dans toutes éternités…
Et avant d’être dans la Bible, cette parole, où elle était, d’où elle venait ?
Elle planait sur le vide des terres et sur le vide des cœurs. Elle était première. Elle avait toujours été là.
La parole d’amour est antérieure à tout, même à l’amour.
Christian Bobin, in Le très-bas.
Françoise,
sœur de la Communion Béthanie