Une méditation proposée par notre frère Manuel.
Un homme voulait s’approcher de Jésus, et dans la foule qui l’entourait quelqu’un lui demanda :
— Qu’est-ce qui t’amène venir voir Jésus de Nazareth ?
— Oh… Euh… Moi… Je suis séropositif…
— Ah, mais cela existe encore ? s’exclama une autre personne.
— Mais tu l’as choppé comment ? demanda une deuxième.
— T’es sûr de n’avoir contaminé personne ? questionna une troisième.
— Mais tu es sous traitement, non ? T’as besoin de rien, en fait… dit une quatrième.
— Et tu le supportes bien, le traitement ? rétorqua une cinquième, pleine de sollicitude.
— Mais tu savais quoi faire pour ne pas le chopper, non ? Il suffit d’un peu de prévention… marmonna une sixième.
— En plus, cette maladie est une punition de Dieu, t’as pas le droit de venir voir le Maître, jugea une septième.
— Il y a d’autres qui sont bien plus malades que toi, de quoi tu te plains ? s’étonna une huitième.
Il y en a eu encore une neuvième et une dixième quand l’homme se retrouva soudain devant Jésus. Il le supplia, tomba à genoux devant lui et lui dit :
— Si tu le veux, tu peux me rendre pur.
Jésus, pris de compassion pour lui, tendit la main, le toucha et lui dit :
— Je le veux, sois pur. Va en paix.
— Pur ? demanda un des disciples.
— Oui, pur de sa propre culpabilité, pur de sa honte, répondit un autre.
— Oui, pur aussi de l’obligation de se justifier, dit un deuxième.
— Oui, pur de la faute que d’autres veulent rejeter sur lui, expliqua un troisième.
— Oui, pur de la fausse compassion des curieux, rajouta un quatrième.
— Oui, pur de la condamnation au nom de je ne sais pas quel dieu, annonça un cinquième.
— Oui, il peut aller en paix, dit un sixième, car c’est le seul regard de Dieu sur lui qui compte.
Le regard de Dieu sur chacun-e de nous est un regard plein de discrétion et d’amour, un regard qui est invitation constante à avoir nous aussi un regard pudique, discret, bienveillant et solidaire envers nos frères et sœurs en humanité, un regard qui nous redonne notre identité première de créatures faites à l’image et ressemblance de notre Dieu Tri-Unité.
Votre frère Manuel.
Lecture très libre de Mc 1, 40-41, suivie d’une citation paraphrasée d’un auteur anonyme.
Une méditation proposée par notre frère Manuel.
L’un des premiers noms qu’un être humain donne à Dieu est celui-là : El-Roï, Dieu qui me voit. Ce nom est donné par un personnage qu’on mettrait bien volontiers dans la liste des « invisibles », car femme et esclave. Hagar, tel est son prénom, maltraitée par Saraï, s’enfuit de la maison de ses maîtres, portant en son sein le fils d’Abraham. Elle erre dans le désert, jusqu’à ce qu’un messager de Dieu lui dise de retourner et lui annonce l’avenir de son fils à naître. Dieu lui a parlé, et elle l’appelle Dieu-qui-me-voit. Le regard d’abord, et la parole ensuite, disent à Hagar qu’elle est prise en compte.
Voir quelqu’un est reconnaître d’abord son existence, mais aussi son épaisseur et sa dignité. La personne qui voit et celle qui est vue ne peuvent pas se cacher l’une de l’autre. Dieu nous voit, certes, pas pour nous espionner ou pour violer nos secrets le plus intimes : il nous voit car chacune et chacun de nous a du prix à ses yeux, Es 43, 4, car il est touché par tout ce qui nous touche. Il nous voit, aucun de nous ne peut être appelé « invisible », ni être considéré comme tel.
Le début de toute prière est là : se laisser regarder par Dieu, prendre conscience qu’il est le Dieu qui me voit, « respirer » ce regard, pour ainsi dire. Lorsque nous sortons de notre temps de prière, nous le faisons fortifié·es et vivifié·es par ce regard, et nous pourrions oser voir les autres du même regard que Dieu.
Nous sommes appelé·es à veiller, c’est à dire, à avoir un sens de la vue affiné qui nous permettra de reconnaître en chaque personne que nous croisons une fille, un fils du Dieu vivant. Et nos paroles et nos actes suivront notre regard, petit à petit, doucement.
Manuel,
frère de la Communion Béthanie