Une méditation sélectionnée par notre frère prieur Jean-Michel.
Mon cœur est devenu capable
D’accueillir toute forme.
Il est pâturage pour gazelles
Et abbaye pour moines !
Il est un temple pour idoles
Et la Ka‘ba pour qui en fait le tour,
Il est les Tables de la Thora
Et aussi les feuillets du Coran !
La religion que je professe
Est celle de l’Amour.
Partout où ses montures se tournent
L’amour est ma religion et ma foi !
Ibn’ Arabî, 13e siècle.
À vous et à tous les vôtres, je souhaite un lumineux nouvel an de grâce 2024.
Proximité cordiale et confiante de votre frère.
Jean-Michel+,
prieur de la Communion Béthanie
Une méditation proposée par notre sœur Valérie.
Nous ne sommes qu’à la mi-septembre et déjà le mois est marqué des blessures de notre temps.
Première semaine et canicule. Tant pis pour celles et ceux, moi la première, qui espéraient la douceur d’un été indien.
Deuxième semaine et catastrophes naturelles et humanitaires, la terre qui tremble, l’eau qui noie toute une ville et j’en passe ; je ne connais pas tous les malheurs de ce monde.
Au secours, besoin d’amour
À l’horizon de notre quotidien d’hommes et de femmes, septembre rime avec rentrée : travail, école, activités. Reprendre le rythme, retrouver le stress, se faire des promesses. Tant de vaines agitations.
Au secours, besoin d’amour
Oui, le Seigneur a besoin d’amour.
De notre amour pour Lui.
De notre amour, les uns, les unes pour les autres.
De notre amour pour Sa création, pour notre Terre.
Valérie,
sœur de la Communion Béthanie
Une méditation proposée par notre frère Raphaël
Ce matin dans le train bondé, il y avait une petite fille et sa maman.
Une petite fille difforme.
Toute petite, un peu grosse, avec des bras très courts et des mains minuscules, une grosse tête et d’épaisses lunettes.
Elle portait un t-shirt Dragon-Ball Z comme on en portait dans les années 90. Elle n’avait rien des petites filles à la mode qu’on croise parfois en ville avec le sac à dos dernier cri, des chaussures de marques flambant neuves ou même parfois…un smartphone !
Elle était assise à côté de moi, entre le pauvre type en route pour le boulot qui ne sait jamais bien ce qu’il fait là (moi, donc…) et sa maman.
Elle ne savait rien dire d’autre semble-t-il que mama…ma…ma…mama….ma-ma…mama…
Pris dans mon train-train quotidien, dans le TER rien de plus banal, je suis monté en regardant mes pieds, ou mon smartphone ou, non, ce matin j’avais le nez dans mon bouquin… peu importe. Dans le flot de voyageurs entassés là, je n’ai pas vu cette enfant.
Mais au bout de quelques minutes, elle m’a dérangé !
Me comprenez-vous? Elle m’a dé-rangé !
Je ne pouvais pas rester le nez dans mon livre à tenter de m’évader dans un univers qui n’était pas le mien. Je ne pouvais plus essayer d’échapper à mon quotidien pas forcément agréable du TER bondé en pleine canicule. Il y avait une enfant qui criait. Qui criait fort : mama ! ma…ma…ma-ma ! mama !
Mais enfin, personne n’allait faire taire cette enfant ! Je ne peux pas me concentrer sur ma lecture. Je mérite bien un peu de tranquillité, je vais quand même passer les huit prochaines heures au boulot !
Et bien non ! Personne ne l’a fait taire. Mieux, sa maman la regardait avec une infinie tendresse et lui répondait encore plus tendrement des mots très doux en espagnol que je n’ai pas compris.
Alors… alors j’ai rangé mon livre.
Et je n’ai plus rien fait.
J’ai regardé cette petite. Dérangeante. Déroutante. J’ai regardé cet échange incroyable qu’elle avait avec sa mère. Juste avec cette syllabe répétée en continu : ma…ma…ma… rien d’autre !
Quand le train est arrivé en gare, je les ai regardées descendre, main dans la main. Je les ai trouvées magnifiques. Oui oui, même la petite fille, si différente pourtant des codes de beauté. J’ai senti en regardant cette petite main boudinée dans celle de sa maman un tel amour ! J’ai pensé : cette petite est invincible ! Le monde ne peut rien contre elle, aucune méchanceté ne pourra l’atteindre. Parce qu’elle est aimée. De sa maman. De Dieu aussi.
Et ce soir, c’est à lui que je rends grâce pour cette rencontre. Pour cet inattendu. Pour la vie de cette petite fille qui a rencontré la mienne. Et tant d’autres… Pour cette petite fille pas très jolie qui a changé ma journée.
Merci mon Dieu de savoir si bien nous surprendre au détour de nos journées, toi l’Inattendu absolu. Toi qui nous aime.
Raphaël,
frère de la Communion Béthanie
Une méditation sélectionnée par notre sœur Isabelle.
Dans ma communauté évangélique, je réalise que nous témoignons toujours de notre foi au culte, mais seulement une fois qu’on a dépassé les épreuves.
Jamais on ne témoigne au moment-même où on nage en plein doute ou en plein désespoir.
Et si c’était différent ? Et si on osait cette parole vraie ?
Ce sont les paroles et les questions échangées avec une personne la semaine dernière en toute confiance et authenticité.
J’évoquais alors avec elle que cela me faisait penser à une sorte de théologie de la « toute-puissance ».
La foi qui gagne toujours, la persévérance de la prière toujours exaucée, les bénédictions de Dieu qui finissent toujours par être données.
On ne peut que témoigner quand on a « réussi » d’une certaine manière.
Oui mais alors…
Qu’en est-il quand les personnes n’y arrivent tout simplement pas ?
Ce sont quoi des loosers de Dieu ?
Quand la prière n’est plus possible ?
Quand la Bible ne nous parle plus ?
Quand on faillit et qu’on n’arrive plus à se relever ?
Quand justice n’est pas faite ?
Quand on finit même par envisager le suicide ?
Les évangiles ne témoignent-ils pas justement d’une forme profonde d’impuissance de Dieu parfois ?
Qu’en est-il du massacre des enfants à Bethléem… que Dieu n’a pas pu éviter ?
De l’assassinat injuste de Jean le Baptiste… que Dieu n’a pas pu éviter ?
De Jésus lui-même qui doit souvent fuir des situations où sa vie est menacée… et que finalement Dieu n’a pas pu éviter comme le raconte la passion du Christ ?
Pourquoi ?
Pourquoi un frère doit-il perdre sa sœur, unique membre de sa famille qui lui reste, au moment où lui-même devient père ?
Et il devrait être d’accord avec ça et abdiquer devant Dieu dont les voies sont impénétrables ?
Pourquoi une femme doit-elle mourir sous les coups de son conjoint face à ses enfants et on dirait que Dieu a mis cela dans son plan ?
Pourquoi un enfant doit-il être violé par son oncle et entendre que Dieu a des projets de bonheur ?
Où es-tu Seigneur lorsque l’obscurité se fait si forte et semble si toute-puissante, elle ?
Moi aussi, face à ces questions ultimes, je ne sais pas !
Moi aussi je crie à l’injustice…mais la vie est-elle juste ?
Ne faisons-nous pas l’expérience en permanence que non ?
Alors pourquoi Seigneur ?
Quelque chose monte pourtant en moi là tout au fond…sous forme de question.
Notre indignation, notre sentiment d’injustice, notre cri de désespoir, ne sont-ils pas les signes qui nous rappellent justement ce qui est si essentiel et précieux à nos yeux ?
Nous ne ressentirions pas toutes ces émotions si cela n’avait pas une importance vitale pour nous n’est-ce pas ?
N’est-ce pas justement parce que mon cœur ressent, souffre, résonne avec tout l’univers que je suis vivante et vivant et que je comprends que j’aime profondément ?
Savais-tu qu’une personne psychopathe ou perverse narcissique est privée de toute émotion et de tout sentiment ?
Elle ne ressent littéralement aucune empathie ni pour les autres, ni pour elle-même.
Oh elle peut parfaitement te faire croire que oui, mais en réalité rien, c’est le vide émotionnel.
J’avoue que je n’y croyais pas jusqu’à l’année dernière, pourtant cela existe bel et bien malheureusement.
C’est comme si l’obscurité les avait englouties avec elles.
Et comme un trou noir, elles vont aspirer toute lumière et vie qui s’approcheraient trop d’elles.
A Noël, nous le savons, la nuit se fait plus longue de manière culminante…
L’obscurité semble tout envelopper.
L’origine du Noël chrétien s’appuie sur une fête païenne qui célébrait le retour du Dieu soleil dans cette période justement.
Nos récits de Noël racontent à leur manière la naissance de ce Dieu qui va s’incarner dans le Christ justement lors d’une nuit noire.
Une toute petite lueur dans l’obscurité du monde…qui a pourtant le pouvoir immense de l’éclairer si on la met bien en hauteur, pour que tout le monde la voie.
Un Dieu qui dès le commencement est tributaire de la vie et des autres.
Car si Marie n’avait pas accueilli en son sein ce petit être… Rien !
Si Joseph n’avait pas accueilli Marie dans sa situation périlleuse, elle serait probablement morte lapidée.
Si l’aubergiste n’avait pas laissé le couple s’installer dans la crèche, le bébé serait peut-être mort dans le froid…
Ou par l’épée sanglante de la main d’un soldat d’Hérode…
La foi dans ces récits (au-delà de leur véracité historique) n’a pour moi rien avoir avec le fait de bien lire la Bible, de bien prier ou d’être dans une relation juste à Dieu.
La foi dans ces récits évoque des attitudes et des actes qui marquent une profonde confiance en Dieu malgré les situations justement extra-ordinaires ou hors-normes.
Des femmes et des hommes qui se mettent à l’écoute de leur cœur et des messagers (anges) qu’ils reconnaissent comme venant de la part de Dieu…
…Quand bien même cela ne semble pas forcément cohérent avec la Parole de la Torah !
Les versets ne sont pas nombreux et pourtant, n’entendez-vous pas le profond doute qui submerge Marie, Joseph, les mages dans les évangiles ?
Leurs résistances intérieures ? Tous les comment cela se fera-t-il ? Leurs peurs ?
Ils témoignent justement de ce moment profond de questionnement sur le désir (volonté) de Dieu et le sens des événements.
Une comédienne très connue en Suisse, Claude-Inga Barbey a dit un jour :
« Quand je ne sais pas quoi faire dans une situation, je me demande toujours ce que ferait l’Amour ? »
Je crois que c’est une des plus belles phrases que j’aie entendu sur la foi !
C’est pour moi un résumé parfait de la Voie de l’Amour du Christ.
On s’apercevra alors que souvent l’Amour n’a pas d’autre puissance que celle de se manifester dans l’impuissance.
L’Amour révèle ce qu’il y a d’essentiel dans notre vie et dans la vie tout court.
Et si c’est essentiel c’est peut-être précisément parce que c’est fragile et vulnérable.
Car alors, il faut déployer tout notre être pour le préserver et lui trouver un abri.
A Noël, nous célébrons un Dieu impuissant qui a besoin de nous pour vivre mais qui est tout-puissant si nous Le laissons nous habiter pour traverser toutes nos épreuves.
L’Amour ne donne pas du sens au non-sens.
L’Amour donne une Présence dans le silence.
Oui, osons-nous dire, nous parler de ces moments de doute, d’obscurité et de peur.
Car ensemble, nous pouvons devenir un rempart d’Amour et témoigner d’une présence sororale et fraternelle dans notre vulnérabilité.
Alors là dans le secret, le Dieu tout puissant d’Amour se dévoilera sûrement.
Si tu as l’élan d’approfondir les questions sur « Les origines de Noël », découvre le texte de Karine Michel sur ma vidéo.
Dans l’élan de la Lumière qui guide nos pas jusqu’au mystère de Noël.
Carolina Costa,
pasteure protestante réformée,
que vous pouvez suivre sur carolina-costa.com
Une méditation proposée par notre sœur Christine.
Mon Dieu, recharge moi d’Amour
Que mon cœur en déborde
Sans rien pouvoir en conserver
Mon Dieu , recharge moi d’Amour
Que mon cœur ne se gonfle pas
De rancune et d’orgueil
Si je frappe à ta porte
Si je frappe à ton cœur
Ne me repousse pas !
Christine,
sœur de la Communion Béthanie
« Marche dans ton amour, mais n’espère pas que la Joie t’ y suivra pas à pas.
Le bonheur n’est pas l’ombre de l’amour.
Quand l’amour avance, il semble parfois dormir, ou reculer, mais quand ton amour aura atteint son but qui est Dieu, la joie t’y rejoindra d’un coup d’aile et ne te quittera plus jamais. »
Gustave Thibon
Une lettre d’ailleurs… envoyée par notre frère Raphaël.
J’écris de Béthanie.
J’écris de la périphérie.
A quelques kilomètres seulement de Jérusalem, la belle, la sainte.
C’est là-bas qu’est le Temple. C’est là-bas que sont les doctes savants, les spécialistes de la Loi, les grands prêtres. The place to be !
Pourtant ici je suis à ma place. Au milieu des collines d’oliviers. Au grand-air.
Je ne me sens pas moins proche du Seigneur. D’ailleurs c’est à Béthanie qu’il vient se reposer, Lui, Jésus, le Maître. Quand il veut fuir la foule ou les bravades pharisiennes. Il vient ici, oui, je l’ai déjà croisé. Il était avec son ami Lazare, ils discutaient à l’ombre d’un dattier. Il fait souvent ça quand il est ici. Il s’assoit avec ses amis dans la maison ou près de la palmeraie. Pour discuter, échanger simplement, prendre un repas… Vivre une vie ordinaire qui lui rappelle celle de son enfance à Nazareth.
« Heureux les doux… »
On voit souvent passer par ici, sur le chemin pierreux qui monte jusqu’au village, des individus seuls et fatigués. Parfois même désespérés. Ils sont arrivés à Jérusalem, pour la plupart, après un long et difficile voyage, mais ne sont pas restés en ville. D’autres viennent de Samarie. De tous ces lieux saints où l’on adore le même Dieu qu’ici mais où l’on est tellement centré sur le rite, les traditions et la Loi, qu’on ne sait plus aimer.
A Béthanie, nous n’avons pas de docteurs, de savants théologiens, de scrutateurs ordonnés de l’Écriture. Vous n’y trouverez que des gens simples.
Nous n’aimons pas mieux Jésus qu’ailleurs. Nous ne connaissons pas mieux son Père, ni même la Parole plus profondément que dans les temples ou les lieux dont c’est la spécialité.
Parce qu’ici, ce n’est pas un lieu de spécialistes, ce n’est pas un lieu religieux. Ce n’est pas une tour d’ivoire dans laquelle on s’enferme pour voir le monde de haut et débattre à n’en plus finir.
Non.
Ici c’est un lieu de vie. Un lieu de Paix. Pour Jésus, pour ses sœurs et frères, ses amis. On peut s’y reposer, s’y retrouver. Tous y sont les bienvenus. Ceux de Jérusalem, de Samarie ou d’ailleurs. Les désespérés, les abandonnés et les bien portants.
C’est pour ça que la vie ici me plaît. C’est pour ça que j’écris de Béthanie.
« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau… »
Il y a quelque temps, nous avons vu arriver sur notre colline un groupe d’étrangers. Il y avait là deux hommes, main dans la main, accompagnés de deux femmes, main dans la main. Ils avaient reçu des coups. Paraissaient épuisés. Ils ont demandé à boire. Nous leur avons donné de l’eau. Et aussi du pain, et des poissons grillés. Et des fruits de nos vergers. Paraissant surpris de notre accueil, leurs visages s’illuminèrent de joie. Ils nous expliquèrent qu’ils s’attendaient à être repoussés loin du village.
Pourquoi ?
A la grande ville, on leur a dit qu’aimer n’est pas toujours bien. Que l’amour peut être désordonné, ou pire, ordonné au mal. Surtout leur amour à eux, à elles. On leur a enseigné que Dieu les aime, Lui qui est le Père de tout amour, mais qu’il ne veut pas de cet amour entre eux. Que c’était un péché terrible.
« Malheur à vous scribes et pharisiens hypocrites, vous fermez aux gens le royaume des cieux… »
Effrayés par ces propos, nous avons réfléchi et comme souvent, nous sommes interrogés : si Jésus était là, qu’aurait-il fait, Lui ?
A-t-il une seule fois condamné l’amour entre deux personnes ?
Aucun d’entre nous n’ayant jamais entendu dire une chose pareille, nous avons embrassé ses étrangers en sœurs, en frères. Nous les avons soignés et les avons invités à séjourner parmi nous autant qu’ils le voudraient.
Parfois, un prêtre ou un docteur passe sur le chemin qui contourne le village. Il nous voit en compagnie de ces étrangers devenus nos sœurs, nos frères. Et ils nous jettent un regard de mépris, ne daignant pas même faire halte pour recevoir un verre d’eau. Mais Jésus, Lui, le Maître, s’arrête toujours ici. Il a plaisir à partager nos soirées au coin du feu, à nous enseigner, à vivre au milieu de nous.
J’écris d’ici, de Béthanie.
De la périphérie heureuse.
Raphaël
Tout au long de ce Carême 2021 et jusqu’à Pâques, retrouvez les méditations du collectif LGBT+ & Croyant·e·s Anjou.
Sachant qu’il va mourir, son Amour reste inconditionnel.
Une fois encore, il surprend ses disciples.
Bientôt il sera étendu dans le tombeau,
Mais il se lève de table, pendant le repas :
Non pas pour ordonner, ni donner des consignes pour sa succession,
Il se lève pour s’agenouiller aux pieds de ses amis.
Et en s’abaissant devant eux, il montre la grandeur de l’Amour de Dieu
Et fait passer les actes avant les mots.
A l’époque de Jésus, comme à la nôtre, ce geste est choquant, et Pierre n’est pas le seul à ne pas le comprendre.
Qui est donc ce Dieu qui ne respecte pas les règles établies par les hommes ?
L’Amour.
L’Amour pour les siens dans ce monde,
L’Amour pour Pierre qui ne comprend pas, pour ses amis, et même pour Judas qui le trahit.
La veille de la Passion, le message de Jésus peut se résumer à ce seul mot :
Amour.
Collectif LGBT+ & Croyant·e·s Anjou
Photo, Lavement des pieds par Yannig Guillevic (2006), église de Saint-Tugdual, diocèse de Vannes.