Les premiers lundis du mois, nous entrons dans la poésie de notre frère Philippe.
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Insondable profondeur de nos âmes,
replis secrets encore inexplorés,
réalité mouvante, chaotique,
éclatée, insaisissable…
vertige… dérive des grands fonds…
…nuit sans boussole,
doute qui repousse sans répit,
questions sans réponse, mal intime diffus, tenace
qui te fait désirer la fin de la pièce…
…cette aventure de la Vie
où tu es entré sans le vouloir
et sans bien voir où Elle mène…
…Obligé d’accepter ta condition de créature
sans cesse défaillante, ingrate, incorrigible,
tu n’as pas d’autre choix que celui d’avancer,
d’aller où la Vie t’emmène…
Ne sois pas comme l’enfant vexé
qui refuse qu’on l’aide à se relever…
Laisse agir dans l’ombre
l’invisible Main de ton Créateur qui te veut du bien…
Ce poids, c’est pour toi qu’Il le soulève !
Cette peur, c’est pour toi qu’Il l’apaise…
C’est Lui, présent, qui t’appelle !
Crie-Lui ta détresse et tu seras délivré…
Philippe
Méditation du jour de Noël par Sœur Elisabeth, prieure du monastère de la Paix-Dieu à Cabanoule.
Dans sa Bible des contrastes, le pasteur et peintre Henri Lindegaard réalise un dessin biblique intitulé : « Une ligne qui s’incline ».
C’est ainsi que l’artiste évoque le mystère de Noël : une ligne verticale qui peu à peu devient horizontale.
La ligne verticale d’abord : le bâton de Joseph le juste qui dans la foi surmonte l’incertitude.
La ligne s’incline et devient les barreaux d’une mangeoire.
La ligne s’incline encore et devient une femme fatiguée d’avoir marché longtemps, cherchant un lieu pour accoucher : Marie.
La ligne s’incline lentement encore vers une crèche et devient ce tout-petit couché, horizontal.
C’est ainsi que Dieu sous le poids de sa gloire devient homme.
Et nous voilà ensemble aujourd’hui contemplant ce mystère de Noël.
Regardons doucement ce Dieu qui fait une inclination profonde devant chacun de nous dans un respect infini.
Divine doxologie : Gloire à toi, homme. Gloire à toi, femme.
Sœur Elisabeth
Image La ligne qui s’incline de Henri Lindegaard, extraite de La Bible des contrastes, Méditations par la plume et le trait du même auteur, 224 pages, 2005, Olivétan éditeur.
Méditation pour le 4e dimanche de l’Avent par Sœur Anne, sœur du monastère de la Paix-Dieu à Cabanoule.
DIEU – « Demande pour toi un signe de la part du Seigneur ton Dieu, au fond du séjour des morts ou sur les sommets, là-haut. »
LE ROI ACAZ – « Non, je n’en demanderai pas. »
C’est tout de même embêtant, Dieu.
Comme une tracasserie, un tout petit caillou dans une chaussure, mais à chaque pas mon pied le rencontre : je ne peux l’éviter, ni léviter d’ailleurs.
Alors marchons.
Marchons à l’aveuglette avec Acaz, sourd aux conseils du prophète Isaïe et paralysé par la peur : il ne veut pas demander de signe à Dieu sous couvert de respect, il n’attend rien de Lui, préoccupé qu’il est par ses stratégies d’alliances humaines pour sauvegarder son royaume, son pouvoir, mais aussi son peuple – et c’est tout à son honneur…
Seulement voilà, géographie divine oblige, nous apprenons que « la terre dont les deux rois font trembler [Acaz] sera laissée à l’abandon », peut-être même nos propres terres, et autres royaumes !
Qu’en tous lieux, des plus noirs aux plus lumineux nous pouvons demander un signe, et que chaque situation porte en germe une espérance parce que Dieu nous y rejoint, même si cela paraît prendre un temps fou, celui d’une gestation puis celui d’apprendre à rejeter le mal et choisir le bien.
Marchons à l’écoute avec Joseph.
Joseph est juste. Il respecte la Loi, c’est pourquoi il a formé le projet de répudier sa fiancée, celle qui n’a pas connu d’homme. Dit-elle. Il se taira parce qu’il est bon, qu’il sert la Loi pour la vie, mais impossible d’être père d’un enfant qu’il n’a pas engendré, ce serait mentir. Il n’appellera pas l’enfant du péché « fils de David ». A d’autres ! C’est simple, il ne dénoncera pas publiquement cette Marie. Puis il se couche là-dessus – et c’est tout à son honneur ?
Seulement voilà, histoire sainte oblige, Joseph endormi baisse la garde, un ange passe, et nous apprenons à dépasser le légalisme de nos peurs pour compter sur l’Esprit de Dieu dans nos prises de décisions, nous apprenons que l’enfant qui devra apprendre à choisir vient de l’Esprit Saint, et peut-être même que si nous cherchons le « nous », Dieu sera là « avec », « Emmanuel ».
Un ange passe, oui… et traverse nos vies du souffle de Dieu. Malicieux, il glisse aussi un grain de blé dans ton soulier.
Sœur Anne
Image Vierge à l’enfant et l’Ange espiègle de Jean-Marie Pirot dit Arcabas. Musée Arcabas en Chartreuse.
Méditation pour le 3e dimanche de l’Avent par Sœur Marie-Christine, sœur du monastère de la Paix-Dieu à Cabanoule.
« Réjouissez-vous dans le Seigneur, réjouissez-vous toujours, proche est sa venue. »
La note spécifique de ce troisième Dimanche est une joie particulière, messianique et spirituelle. Nous sommes tous invités à entrer dans ce mystère joyeux et à revêtir un cœur nouveau pour fêter déjà notre salut, notre libération. La couleur liturgique est au rose, comme l’aurore de ce jour.
Au cœur de l’oracle d’Isaïe, l’annonce d’une parole consolatrice, d’une Bonne Nouvelle. Joie en solidarité avec la nature et toute la création : le désert refleurit, d’aride il se couvre de fleurs des champs… les faibles sont raffermis, il n’y a plus ni sourd, ni aveugle, ni boiteux… La création est renouvelée, Dieu inter-vient.
Le temps de la patience est celui de la charité, de l’amour du prochain, lié à la foi qui peut garder cependant les couleurs de la nuit. Ainsi le prophète de la joie parfaite, Jean Baptiste, en prison, s’interroge, doute tout en s’ouvrant à celui qui peut lui donner réponse :
« Es-tu Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »
Jésus accueille pleinement la question. Nous pouvons alors reconnaître dans les signes les œuvres du Christ et la venue certaine du salut en Lui. Assuré de son retour, notre cœur peut être ré-orienté et transformé dans l’intime présence qui nous habite et dans laquelle nous pouvons demeurer. Un temps de recommencement est là, une source peut jaillir.
Sœur Marie- Christine
Méditation pour le 2e dimanche de l’Avent par Sœur Pascale, sœur du monastère de la Paix-Dieu à Cabanoule :
Méditation de Matthieu 3, 12
Dans sa main est le van: il nettoiera son aire, il amassera son froment dans le grenier, et il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint point.
« Convertissez-vous… préparez le chemin du Seigneur »
Ce cri du Baptiste dans le désert de Judée, retentit en écho à celui qu’au long des âges, les prophètes ont proclamé. C’est au désert que le peuple s’est progressivement repenti.
Aujourd’hui notre cœur peut devenir ce désert, lieu de conversion, lieu où retenti ce cri, lieu où rencontrer l’intimité de Dieu. Préparer ce chemin du royaume de Dieu, ouvre à une réforme permanente : Laisser agir celui qui nous connaît en vérité et s’approche pour faire le tri à l’intérieur de nous. Il désire sauver et engranger les bons fruits.
Des comportements dont nous ne sommes pas très fiers, il les brûlera, mais tout ce qui peut être sauvé, le bon, le beau, le vrai, sera sauvé. Quelle Bonne Nouvelle !
Sœur Pascale
Image Saint-Jean-Baptiste par Rogier Van Weyden, 1450, volet gauche du triptyque de la famille Braque.
Méditation pour le 1er dimanche de l’Avent par Sœur Marie-Benoît, sœur du monastère de la Paix-Dieu à Cabanoule.
Voici le temps du long désir
Où l’homme apprend son indigence,
Chemin creusé pour accueillir
Celui qui vient combler les pauvres.
Pourquoi l’absence dans la nuit,
Le poids du doute et nos blessures,
Sinon pour mieux crier vers lui,
Pour mieux tenir dans l’espérance ?
Et si nos mains, pour t’appeler,
Sont trop fermées sur leurs richesses.
Seigneur Jésus, dépouille-les
Pour les ouvrir à ta rencontre.
L’amour en nous devancera
Le temps nouveau que cherche l’homme ;
Vainqueur du mal, tu nous diras :
Je suis présent dans votre attente. Voici le temps du long désir
Voici le temps du long désir
Où l’homme apprend son indigence,
Chemin creusé pour accueillir
Celui qui vient combler les pauvres.
Pourquoi l’absence dans la nuit,
Le poids du doute et nos blessures,
Sinon pour mieux crier vers lui,
Pour mieux tenir dans l’espérance ?
Et si nos mains, pour t’appeler,
Sont trop fermées sur leurs richesses.
Seigneur Jésus, dépouille-les
Pour les ouvrir à ta rencontre.
L’amour en nous devancera
Le temps nouveau que cherche l’homme ;
Vainqueur du mal, tu nous diras :
Je suis présent dans votre attente.
Nous espérons déjà la joie de Noël. Mais les textes bibliques telle une mise en garde nous incitent à rester éveillés pour un autre rendez-vous dont la date n’est pas fixée et reste possible à tout moment. Jésus, le Fils de l’homme, compare le temps de sa venue à un déluge, surprenant des gens bien installés dans leur quotidien. Or notre monde à la fois riche de tant de biens et si plein de malheurs et de souffrances, manifeste plus ou moins violemment ses insatisfactions. Nos propres contradictions dévoilent aussi notre indigence. Alors, le cœur ouvert dans l’ardeur de la prière, guettons amoureusement et pleins de joyeuse espérance le divin Voleur qui mène au Père notre fragile humanité.
Sœur Marie-Benoît
Une méditation proposée par notre sœur Marie-Agnès.
La tentation est permanente
de prétendre détenir la clé du bonheur
pour les autres,
savoir ce qui est bon pour eux,
les guider et leur tenir la main
comme s’ils n’avaient pas encore
la capacité de juger par eux-mêmes,
décider pour eux
parce qu’ils pourraient se tromper
et penser faux ….
La tentation est permanente
de se faire appeler « Maître-à penser »,
à aimer, à prier
et d’occuper alors toute la place
de Celui qu’on désire annoncer !
Le seul Maître à suivre
s’appelle Jésus-Christ :
sa joie consiste à entraîner
chacun à la liberté
et il prend le risque d’inventer
avec nous notre vie.
Ce maître-là n’impose rien :
il montre des chemins,
il laisse une Parole,
il accourt si nous avons besoin de lui,
il se retire,
car il appartient à chacun
de faire soi-même
l’apprentissage de la lumière.
Charles Singer
Une méditation proposée par notre sœur Céline.
ne lis pas ceci, ma sœur, mon frère,
si tu es (pré) occupé·e
si tu n’as pas 5 minutes devant toi
si tu lis entre deux autres messages
ne lis pas ceci, ma sœur, mon frère,
si tu ne peux fermer les yeux
et, dans le même temps, ouvrir ton cœur
si tu ne peux retrouver ton souffle ;
lis ceci,
si tu peux faire silence
écouter sans faire de bruit
te faire petit·e et presque te faire oublier
lis ceci,
…
tout doucement,
…
pour faire silence,
…
respirer profondément,
…
sentir chaque recoin de ton corps,
…
apaiser le tumulte de ton esprit,
…
entendre les mots à maux et te résoudre à la prière silencieuse pour aimer vraiment.
Céline
Une méditation proposée par notre sœur Marie-Agnès.
Accueillir la fragilité… La sienne, celle des autres.
De ceux qui nous la montrent, nous la confient. De celle, celui qui la cache ou qui en a honte mais que nous devinons parce que nous sommes proches de lui.
Accueillir notre propre fragilité. Donc la reconnaître, ne pas la nier ni la fuir, ni faire semblant d’être plus fort. Mais essayer de l’apprivoiser, de ne pas la juger ni de la craindre, mais de l’identifier, peut-être même de la nommer.
« Traverser la fragilité », ne pas s’y enfermer mais parcourir un exode, sachant qu’on ne s’en libère jamais totalement…
« Vivre avec » non pas avec une tare mais une limite et une chance à la fois. Car notre fragilité est aussi une brèche qui peut nous ouvrir à l’autre, quand elle ne nous enferme pas sur nous-mêmes.
Elle nous révèle alors que, de par notre humanité, nous ne pouvons pas nous en sortir seul.
Elle peut aussi être une invitation à aller à la rencontre de la fragilité de notre semblable.
Bernard Ugeux, extrait de « Traverser nos fragilités »
Les premiers lundis du mois, nous entrons dans la poésie de notre frère Philippe.
-12-
Ô Toi La Vie, T’ai-je bien entendue ?
Suis-je bien réveillé ?
Ai-je bien répondu ?
J’écoute … et c’est toujours la même Voix :
« Pourquoi avoir peur ?
Si Je n’étais pas là
en permanence au fond de toi,
tu cesserais aussitôt d’exister …
Nous sommes Un depuis toujours …
Je suis le sang de tes veines,
Je suis tes larmes,
le chant de ton corps quand tu aimes,
l’âme de l’autre que tu viens de croiser …
Nous sommes Un depuis toujours,
mais il est si facile de M’oublier …
Alors je t’en prie, lâche ton fardeau,
sans quoi tu ne pourras pas M’accueillir …
et puis laisse-Moi faire …
Je suis là pour t’apaiser …
ton devenir, c’est Mon affaire,
depuis toujours ! »
Philippe
Une méditation proposée par notre sœur Marie-Agnès.
Tous les jours,
accueillir, offrir la grâce d’un sourire,
la confiance d’une main tendue,
l’appel d’une parole, le don d’une présence,
la force tendre d’une étreinte,
la nouveauté d’une rencontre…
et tous les jours devenir humain…
Tous les jours,
choisir de gagner la paix au cœur même des conflits
où vérité et justice sont en cause.
Oser pleurer parfois
de la souffrance qui nous étreint,
de la misère de l’autre,
de l’insensé du monde…
Tous les jours,
oser traverser nos larmes jusqu’à irriguer nos sols trop secs
et les terrains pierreux du monde.
Vouloir y croire, envers et contre tout,
et savoir deviner les premiers signes de toute relèvement.
Et tous les jours redevenir humain.
Tous les jours,
risquer l’aventure d’être soi-même, être fragile et passionné,
jardinier de la vie en nous ensemencée,
un, unique, parmi d’autres et avec eux,
risquer l’aventure de la rencontre,
êtres manquants et solidaires, jardiniers de la vie
les uns par les autres fécondée,
tendus vers l’accomplissement de tous et de chacun,
Et tous les jours, ensemble, créer de l’Homme.
Une méditation proposée par notre sœur Françoise.
Écouterons-nous l’appel venu du temps de l’Évangile : « N’éteignez pas l’Esprit » ?
Pénétrés par le souffle de l’Esprit Saint,
comprendrons-nous qu’il nous travaille,
nous sort de l’obscurité,
et nous porte vers la lumière ?
Jamais dans l’Évangile, le Christ n’invite à la tristesse ou à la morosité.
Tout au contraire, il rend accessibles une paisible joie
et même une jubilation dans l’Esprit-Saint.
Frère Roger – En tout la paix du cœur