Une méditation proposée par notre frère Pierre.
Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants de l’ombre, une lumière a resplendi.
Livre du prophète Isaïe 9,1
Aujourd’hui, nous sommes appelés à nous convertir à cet incroyable bouleversement qui nous révèle que participer à la grandeur de Dieu, c’est refuser de faire place en nos cœurs à toute pulsion de domination. Car tant que le moindre rêve de (toute-) puissance hantera notre cœur, nous courrons le risque de prêter nos forces à la violence et de tourner le dos à Dieu que nous voulons pourtant servir (…)
Marie-Caroline Bustarret, théologienne, Faculté Loyola – Paris.
A chaque jour suffit sa peine. Il faut faire ce que l’on a à faire, et pour le reste, se garder de se laisser contaminer par les innombrables petites angoisses, les mille petits soucis qui sont autant de motions de censure vis-à-vis de Dieu. Notre unique obligation morale, c’est de défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette paix irradie vers les autres. Et plus il y a de paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans ce monde en ébullition.
Etty Hillesum, le 29 septembre 1942.
Voici que se termine cette série de méditations qui m’aura donné l’occasion de revenir au message d’Etty Hillesum, jeune femme juive issue du même peuple que Jésus de Nazareth dont nous fêtons en ce moment la naissance. Peut-être connaissiez-vous déjà « Une vie bouleversée » qui résume son journal et dont j’ai aimé vous partager quelques fragments ? Je me suis concentré sur ses écrits spirituels, laissant de côté ce qui constitue sa vie affective et familiale ainsi que sa lecture politique de l’actualité de son époque. Pourtant, c’est sa riche humanité qui me la rend si proche. Sa curiosité insatiable, sa forte affectivité, son absence de préjugés et son franc-parler ne cessent de m’impressionner par leur authenticité.
Avec Etty Hillesum, heureux Noël à chacune et chacun d’entre vous !
Pierre,
frère de la Communion Béthanie
Méditation pour le jour de Noël proposée par Timothée de Rauglaudre.
Cette dernière méditation sera conclusive. Du moins synthétique. Car aujourd’hui est un début, non une fin. Et le Christ est celui qui ouvre, celui qui récapitule. À sa suite, récapitulons donc. Durant ces quatre dimanches de l’Avent, j’ai exploré pour vous quatre figures bibliques, ou plutôt trois et demi. D’abord celle du veilleur, de l’éveillé, qui guette l’aurore, qui attend la venue du Christ et prête attention au plus petit, à l’opprimé. Celle du prophète ensuite, à travers le dernier des prophètes (avant la venue du Messie), Jean le Baptiste : un prophète qui annonce le temps du Messie, un prophète de paix, de sobriété et de folie, un prophète d’humilité, qui s’abaisse. La figure de Marie enfin, celle qui a la foi révolutionnaire, qui réconcilie l’accueil de l’ange Gabriel et l’annonce libératrice du Magnificat.
Le Verbe s’est fait chair
Chacun de nous, chaque croyant, est appelé à habiter tous ces rôles, à un moment ou à un autre de sa vie, à son échelle. À veiller, à prophétiser, à faire activement confiance. Tous ces rôles nous sanctifient et nous font entrer un peu dans la Jérusalem céleste. Telle est la joie du chrétien. Mais aucune de ces figures n’est un visage évanescent, fantomatique. Ce sont des visages de chair. C’est ce que nous enseigne l’Évangile en ce jour béni de la Nativité de notre Seigneur Jésus-Christ. Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous (Jean 1, 14). Nous connaissons bien cette formule. Mais avons-nous vraiment compris sa portée ? Avons-nous vraiment assimilé ce que signifie ce mystère de l’Incarnation, le mystère de ce Dieu tout-puissant qui a pris notre condition d’hommes, une condition de petit parmi les petits, qui plus est ?
Un matérialisme spirituel
Matthieu nous raconte que les disciples, voyant Jésus marcher sur la mer, sont d’abord effrayés, croyant voir un fantôme (Matthieu 14, 26). C’est là un de nos plus grands péchés. Spiritualiser à l’excès la promesse de l’Évangile. Refuser le monde en attendant l’avènement d’un royaume lointain, dans les hauteurs de l’esprit, sans comprendre que ce royaume est déjà au milieu de [nous] (Luc 17, 21). Que le Christ a pris chair, qu’il est mort en souffrant dans sa chair, qu’il a ressuscité dans sa chair. Qu’il s’est incarné dans une époque, avec ses spécificités, ses paysages, ses souffrances, ses rapports de pouvoir. Que ses paraboles parlent de la terre, de l’humus, parce que la conscience de la matière, de la poussière, est le premier pas sur le chemin de l’humilité. Le christianisme est un matérialisme spirituel, ou un spiritualisme matériel. L’Évangile, c’est une promesse d’universel qui est apparue dans un contexte particulier. Aussi, c’est de façon incarnée, contextualisée dans notre époque, que nous devons recevoir ce message qui, lui, n’a pas bougé. Nous devons être des veilleurs incarnés, des prophètes incarnés, des « servantes du Seigneur » incarnées. C’est seulement avec cette conscience que nous pourrons honorer notre Sauveur, cette faible lueur qui resplendit dans la crèche, et que nous pourrons commencer à voir le royaume qui se bâtit, patiemment, discrètement, autour de nous.
Ce chant pour accompagner la méditation : The Kingdom of God de Taizé.
Timothée de Rauglaudre
Journaliste et auteur
Une méditation proposée par notre frère Sylvain.
Cela se passe au début du XXe siècle, un poète autrichien, Rainer-Maria Rilke, habitait Paris et il se promenait souvent au jardin du Luxembourg.
Devant les grilles, il croisait une vieille mendiante qui se tenait là toute la journée et tendait la main. Il avait l’habitude de déposer une pièce dans cette main, mais la femmes restait toujours impassible, sans même lever le regard vers son bienfaiteur. Elle continuait, l’air blasé, à tendre la main.
Un jour, le poète raconte qu’il avait oublié son porte-monnaie. Ennuyé il ne voulait pas changer son habitude car il savait que faire l’aumône est un devoir de la vie chrétienne. Mais un poète est créatif ! Il eut l’idée de couper une fleur d’un des magnifiques rosiers du jardin et de la tendre devant la vieille mendiante.
Celle-ci prit la rose, fit le geste que tout le monde fait dans cette occasion, de humer le parfum de la rose, mais surtout elle leva les yeux vers le poète et lui sourit. Un sourire comme il n’en avait jamais vu. Puis elle prit son sac posé à terre et quitta les lieux, la rose dans la main.
Quand il racontait cette histoire vraie, le poète concluait toujours en disant que le sourire de cette femme lui avait appris la vraie joie et le sens de la vie. Cette femme attendait ce qui la ferait sourire, et une fois reçu ce cadeau gratuit, elle avait terminé sa journée !
Cette petite histoire vraie entendue pendant l’Avent ressemble à un joli conte de Noël !
Le sens de la vraie joie et de la vie, ne serait-ce pas de saisir dans nos journées ces moments de gratuité, de douceur, de paix qu’une simple rose cueillie et offerte peut apporter ?
Proclamer que c’est Noël, c’est dire que, par son Verbe fait chair, Dieu a dit son dernier mot, le plus profond et le plus beau de tous, qu’il l’a inséré au cœur du monde et que jamais il ne pourra le reprendre, parce qu’il est une action décisive de Dieu, parce qu’il est Dieu-même dans le monde. Et ce mot n’est autre que celui-ci : « O monde, je t’aime ! O hommes et femmes, je vous aime !
Karl Rahner, L’homme au miroir de l’année chrétienne, Mame, Tours 1966, pp. 24 et suivantes.
Discrètement, Dieu s’incarne dans nos vies. Noël n’est donc pas une fête pour gommer tout ce qui cloche, dérange, inquiète ou nous fait honte. C’est le moment pour expérimenter que nos problématiques de vie sont précisément des lieux de révélation et de nativité. Il n’y a donc plus à attendre que tout aille bien dans nos vies pour se réjouir. Noël est l’occasion de se réjouir, au cœur même de ce qui nous arrive.
Marie-Laure Durand, Prions en Église, décembre 2022, p 134.
Nous réjouir parce que nous ne sommes plus seuls. Comme cette pauvre femme, nous sommes reconnus, aimés et sauvés. Et cela de manière gratuite, sans mérite de notre part.
La crèche nous dit : Ici et maintenant, tu es aimé tel que tu es, pour toujours.
Gloire à Dieu et paix à l’humanité qu’il aime !
Je n’ai qu’une chose à oser faire : sourire à cet Amour !
Sylvain,
frère de la Communion Béthanie
Une méditation proposée par notre frère Jean-Michel.
Si dans nos vies, chaque nuit pouvait devenir comme une nuit de Noël, une nuit illuminée de l’intérieur.
Frère Roger de Taizé
Pour les personnes prostituées dont on achète l’amour dans l’obscurité de la nuit, pour ceux qui sont pris au piège de la drogue dans les ténèbres,
Pour les voleurs, les assassins et les criminels qui font le mal avec la complicité de la nuit,
Pour ceux qui sont en prison, pour ceux que l’on torture et que l’on dégrade dans le secret de la nuit, pour les condamnés à mort qui attendent la nuit de leur exécution,
Pour les pauvres sans abri, pour ceux qui errent solitaires dans la nuit, au milieu de l’indifférence des autres,
Pour ceux qui, dans leur nuit, cherchent à te rejoindre sans y parvenir, pour les vieillards qui souffrent et s’éteignent dans la nuit de leur solitude,
Pour les aveugles dont la nuit n’a pas de fin, pour les malades mentaux dans la nuit de leur folie,
Pour ceux qui travaillent et peinent dans la nuit, pour ceux qui voyagent dans l’insécurité de la nuit,
Pour toutes et pour tous,
La lumière luit dans les ténèbres.
Jean 1, 5
Jean-Michel+,
frère prieur de la Communion Béthanie
Méditation de Noël proposée par les sœurs et les frères de la Communion Béthanie.
En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre – ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine. Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem. Il était en effet de la maison et de la lignée de David. Il venait se faire recenser avec Marie, qui lui avait été accordée en mariage et qui était enceinte.
Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte. Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. »
Luc 2, 1-14
Noël, la rencontre d’un nouveau-né pas comme les autres
J’éprouve de la méfiance vis-à-vis d’un imaginaire un peu trop chaleureux, romantique, sucré. Noël n’est pas une jolie histoire, un joli rêve.
A Noël, je vois venir à ma rencontre un nouveau-né qui, déjà, est mon maître. Un enfant qui va me donner à manger comme on donne à manger à un nourrisson. Un enfant qui va m’apprendre des vérités élémentaires et pourtant tellement essentielles.
Il va m’apprendre que d’un côté il y a les stratégies, les calculs, la force, la puissance, l’argent, la jalousie. Et que, de l’autre, il y a l’attention à l’autre, l’oubli de soi, le don, l’ouverture, la bonté.
A Noël, arrive un enfant qui va nous rendre la vie impossible, mais sans cet impossible, il n’y a rien.
Christian Bobin
Pendant le temps de l’Avent, nous écoutons les promesses de Dieu telles que les prophètes nous les ont rapportées. Il nous est annoncé que l’eau jaillira dans le désert, que les épées seront forgées pour faire des charrues, que le loup et l’agneau, la panthère et la chèvre, vivront ensemble dans la paix. Ce ne sont pas de pieuses illusions, avec lesquelles les prophètes veulent nous endormir, mais plutôt des rêves dans lesquels nous découvrons nos propres possibilités. Ce sont les rêves de Dieu pour nous.
Anselm Grün, Une méditation pour chaque jour
Rien n’est à la fois plus beau et plus fragile que d’accueillir l’Après de l’Avent, au
cœur de nos vies toujours en désir d’avenir, toujours à guérir de certains souvenirs.
Aussi, laissons-nous saisir par les promesses de Dieu qui peuvent nous paraître insensées ou
irréalistes, et laissons-nous conduire par son Fils unique à qui nous pouvons offrir, dès aujourd’hui, la crèche de notre cœur.
De cette belle et intense oraison de la veillée de Noël naîtront la volonté du Père et les rêves de Dieu pour chacun·e de nous pour tout horizon.
Oui, la nouvelle année nous ouvre déjà ses portes et, surtout, un passage !
Marie-Agnès et Patrick,
sœur et frère de la Communion Béthanie
peinture de Bernadette Lopez, alias Berna.
Méditation de la Nativité par Sœur François-Marie osc, sœur du monastère Sainte-Claire Montbrison.
Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière
À Moïse, Dieu est apparu dans la flamme du buisson. Notre Dieu est un feu. Un feu consumant. Un feu qui illumine les ténèbres.
Noël, c’est le surgissement, dans l’obscurité de nos vies, de nos cœurs blessés, de nos doutes, de la grande lumière de Dieu.
Dieu déchire les cieux comme l’éclair déchire les nuées. Il déchire les cieux et descend allumer pour nous le feu qui ne s’éteint jamais.
Dans notre monde, les ténèbres demeurent. Mais demeure aussi la trace de cette grande flamme qui s’est allumée, pour l’éternité, dans la crèche de Bethléem.
Et notre terre en est à jamais illuminée. Notre cœur en est à jamais transfiguré.
La lumière de Dieu a jailli dans nos ténèbres, éclairant nos chemins de traverse pour les ramener vers le cœur de Dieu.
C’est notre joie, et elle est parfaite.
Sœur François-Marie osc,
du monastère Sainte-Claire Montbrison
Cette fête de Noël 2019 revêt pour moi une saveur singulière :
Je me donne le temps de vivre ce temps, sans brûler les étapes intérieures.
Je me donne le temps de contempler ce bébé.
Il vient semer l’Amour, il récoltera, au fil des siècles, de l’amour, de la haine…
Devant son extrême fragilité, je « craque ».
De mon cœur sur mes lèvres monte un léger et fort chant de gratitude.
Gratitude envers Daniel avec qui je partage ma vie, avec qui j’apprends à aimer dans l’humble quotidien. Aux grandes déclarations d’amour, je préfère ces petits riens qui m’aident à croître dans la tendresse, « en actes et en vérité ».
Gratitude envers ma sœur Nathalie, envers ma famille, mes intimes. Ils sont là dans une délicate qualité de présence, tout simplement.
Gratitude envers mes sœurs, mes frères, mes ami·e·s en Communion Béthanie. Ensemble, nous apprenons à vivre le Cœur de l’Église : l’alliance où je ne dis plus jamais « je » sans penser en « nous ».
Gratitude envers « mes » élèves, mes collègues du lycée Notre-Dame de la Merci.
Avec vous, je découvre que quelque chose de l’Être aimé finit par transparaître en moi, si je cherche chaque jour, la bonté, la simplicité, la douceur.
Gratitude envers Bernard, Olivier, Timothée, Jean-Loup, Véronique, Benoît, les équipes d’Arte, Victor, Smith…, les équipes du Monde Magazine, de La Croix, de La Vie, de Elle, de RCF, … Madame la députée Laurence Vanceunebrock, Monsieur le député Bastien Lachaud. Gratitude envers vous qui avez témoigné tant de respect, de bienveillance, à mon égard, ces jours derniers.
Car l’amour va jusque-là… : gratitude envers vous qui avez caricaturé mes intentions. Gratitude envers vous qui n’avez pas, peu ou rien compris !
Gratitude envers Toi, bébé sur de la paille.
Si je savais me taire, un instant ou même très longtemps, devant Toi, je découvrirais sans doute, qu’il suffit d’aimer.
Jean-Michel+,
votre frère en Communion Béthanie
Méditation du jour de Noël par Sœur Elisabeth, prieure du monastère de la Paix-Dieu à Cabanoule.
Dans sa Bible des contrastes, le pasteur et peintre Henri Lindegaard réalise un dessin biblique intitulé : « Une ligne qui s’incline ».
C’est ainsi que l’artiste évoque le mystère de Noël : une ligne verticale qui peu à peu devient horizontale.
La ligne verticale d’abord : le bâton de Joseph le juste qui dans la foi surmonte l’incertitude.
La ligne s’incline et devient les barreaux d’une mangeoire.
La ligne s’incline encore et devient une femme fatiguée d’avoir marché longtemps, cherchant un lieu pour accoucher : Marie.
La ligne s’incline lentement encore vers une crèche et devient ce tout-petit couché, horizontal.
C’est ainsi que Dieu sous le poids de sa gloire devient homme.
Et nous voilà ensemble aujourd’hui contemplant ce mystère de Noël.
Regardons doucement ce Dieu qui fait une inclination profonde devant chacun de nous dans un respect infini.
Divine doxologie : Gloire à toi, homme. Gloire à toi, femme.
Sœur Elisabeth
Image La ligne qui s’incline de Henri Lindegaard, extraite de La Bible des contrastes, Méditations par la plume et le trait du même auteur, 224 pages, 2005, Olivétan éditeur.